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cycle du noeud
phase du noeud - paradoxe 2
l'art contemporain -3- (2ème moitié du XXème siècle)
 
 
fait / défait
 
 
 
 
Fonctionnement de la société dans laquelle est plongé l'artiste

Dans un autre texte on a expliqué que, après que l’organisation continue des tourbillons se soit brisée sous l’effet d’une trop forte dynamique, un surcroît de cette dynamique a pour résultat de faire réapparaître la régularité de cette organisation, mais cette fois sous une forme purement statistique, le détail de son fonctionnement étant, lui, devenu complètement et irréversiblement chaotique revoir l'image caractéristique dans une autre fenêtre].
La société occidentale passe par cette étape dans le courant de la seconde moitié du XXème siècle. Nous nous intéresserons ici aux artistes que la vie a affrontés à une société dont le fonctionnement de détail leur apparaît complètement chaotique et imprévisible.
On a vu, dans le texte rappelé plus haut, que le caractère paradoxal de ce type de fonctionnement provient de ce que toutes les parties de la dynamique sont complètement reliées les unes aux autres par leurs échanges constants qui nient et brouillent toute limite interne à cette dynamique, et que, simultanément, des formes stables et fixes se détachent qui marquent clairement des limites et l’organisation pérenne d’une division interne. Cette situation  nous a fait désigner ce paradoxe : "relié / détaché".
 
 

Nature du paradoxe que l'artiste cherche à maîtriser

L'artiste, comme tous les membres de sa société qui participent à ce fonctionnement, est donc "pris", "englué" dans le paradoxe "relié / détaché".
Mais il est trop "pris", trop "englué" dans ce paradoxe pour pouvoir le regarder en face. Il est "dépassé" par ce paradoxe qui domine inconsciemment son comportement. Ce paradoxe est trop omniprésent dans les rouages de sa société et à toutes les échelles et sous tous les aspects de son fonctionnement, pour qu'il puisse l'appréhender avec un quelconque recul. Il est lui même une partie de ce paradoxe, puisque ce paradoxe est celui qui a trait à la relation entre la société dans son entier et chaque membre de cette société.

À défaut de pouvoir y faire face, et dans le but de prendre le recul qui lui manque pour saisir complètement ce qui se passe en lui, il peut apprivoiser une forme moins virulente de ce paradoxe, une forme que l'acquis de la société a déjà permis d'intégrer à la complexité du fonctionnement interne de chacun, une forme que pour cette raison il pourra dominer, dont il pourra appréhender tous les aspects, saisir toutes les relations internes impliquées par son fonctionnement. Cette forme atténuée du paradoxe "relié / détaché", on peut penser que c'est le paradoxe "fait / défait" puisque c'est lui qui a dominé l'étape précédente de l'évolution du fonctionnement de la société.
On explique maintenant pour quelle raison le recours à ce fonctionnement paradoxal est effectivement impérieux pour une personne "prise" dans le paradoxe "relié / détaché" afin de l'aider à tenir dans une telle situation.
 
 
 
Pertinence du paradoxe "fait / défait"
 
Dans cette situation où nous sommes constamment affrontés à l'imprévisibilité des conséquences de nos choix et de nos actions, et où nous devons simultanément nous affronter à la prégnance de règles invisibles bien que toutes puissantes, il importe d’être capable de ressentir que notre cohérence interne reste stablement faite malgré l’impossibilité d’établir une cohérence pérenne dans nos relations avec le reste de la société et de ses enjeux.

 
 
Les deux procédés du paradoxe "fait / défait"
 
Comme à toute époque revoir l'explication dans une autre fenêtre], nous trouvons deux procédés pour exprimer ce paradoxe : le procédé analytique, et le procédé synthétique.
Ce procédé analytique consiste à faire en sorte que l'architecture présente certains éléments complètement défaits, tandis que d'autres éléments de cette architecture affirment eux une forme impeccable parfaitement construite. Ce procédé consiste donc à réellement mettre en présence les termes contradictoires du paradoxe, termes qui normalement s'excluent. Mais par sa réussite même, ce procédé tue ce qu'il y a de vraiment paradoxal, c'est-à-dire d'insoluble dans le paradoxe qu'il illustre.
Le procédé synthétique consiste, par des conflits dans notre perception, à nous faire ressentir le trouble exact qui s'installe en nous lorsque l'on cherche à percevoir que les espaces ou les éléments de l'espace sont complètement disloqués et qu'ils sont en même temps parfaitement agencés. Ce procédé permet cette fois de garder vivante l'impression d'impossible cohabitation des deux termes du paradoxe, mais en échange il se doit d'être moins exigeant sur ce qu'il fait réellement. Il garde vivante l'impression d'incompatibilité entre le fait et le défait, mais en revanche il doit s'abstenir d'utiliser des éléments parfaits opposés à des éléments complètement défaits.
 
 
 
 
Coop Himmelblau : Usine Fonder Werk 3 à Kärnten
 
      vue de la chaufferie avec ses cheminées   (dans une autre fenêtre)
      axonométrie d'ensemble de l'usine   (dans une autre fenêtre)
      vue de l'entrée "à l'auvent rouge"'   (dans une autre fenêtre)
 
 
Numérobis est le célèbre architecte qui, dans une bande dessinée d'Astérix et Obélix, construisait pour Cléopâtre des palais tout de guingois. C'est le type même des architectes que l'on va rencontrer à cette étape et qui s'efforcent, contre toute attente, de faire paraître leurs bâtiments mal faits, défaits, ou même en train de s'effondrer. Les critiques architecturaux ont pris l'habitude d'appeler "déconstructivisme" ce mouvement de l'architecture contemporaine, car des deux aspects de ce paradoxe, c'est celui qui défait qui surprend le plus pour des architectures.
Les cheminées qui dansent, semblant s'effondrer devant le parallélépipède blanc "bien fait " de la chaufferie de l'usine Funder à Kärnten, peuvent à ce titre servir d'emblème à l'expression dans l'architecture de ce paradoxe du "fait/défait". Dans l'opposition entre la forme "bien" faite, bien "carrée" de la chaufferie, et la forme complètement disloquée du groupe de cheminées, on reconnaît sans peine l'expression analytique du paradoxe.
 

 
expression analytique du fait / défait : au parallélépipède blanc "bien fait" de la chaufferie,
s'opposent les cheminées qui semblent s'effondrer
 
 
"Coopérative Bleu-ciel", c'est la traduction du nom Coop Himmelblau que s'est donné un groupe d'architectes lorsqu'ils se sont associés à Vienne en 1968. En 1988-89, lorsqu'ils ont réalisé l'usine Funder, les deux architectes en étaient Wolf D. Prix (né en 1942) et Helmut Swiczinsky (né en 1944).
Son axonométrie d'ensemble montre la généralisation à tout le bâtiment du procédé employé pour les cheminées : sur un grand parallélépipède viennent se greffer des formes bringuebalantes, et l'un des coin du bâtiment est lui-même comme en train de s'effondrer.
On donne une vue plus rapprochée de ce coin et de l'auvent disloqué qui l'accompagne.
 
 
 
expression analytique du fait / défait : au parallélépipède blanc "bien fait" du volume général du bâtiment,
s'opposent ses parties qui se disloquent : la verrière qui s'effondre, les auvents qui se chiffonnent se détachent ou pendouillent,
toute la partie verrière-auvent rouge qui se disloque
 
 
 
L'expression synthétique du paradoxe est liée à l'impression simultanée que donnent ces formes qui semblent s'effondrer : elles ne tombent pas, donc elles tiennent bon et sont donc bien faites malgré leur apparence. L'emploi de matériaux modernes et bien manufacturés va dans le sens de ce trouble : le bâtiment n'a pas l'allure d'une ruine complètement défaite, et l'on voit bien que cette désorganisation est un jeu de forme "parfaitement construit" par les architectes et non un défaut de construction.
 
 
 
 
Miralles : le Centre de méditation Unazuki à Toyama
 
      vue de la construction dans son site depuis l'arrière   (dans une autre fenêtre)
      vue de la construction dans son site depuis l'avant   (dans une autre fenêtre)
 
 
L'espagnol Enric Miralles (né en 1955) a construit en 1993 et 1994 à Toyama au Japon ce centre de méditation, une des oeuvres les plus fortes de l'architecture contemporaine, en particulier dans sa relation avec l'espace naturel environnant.
Sa partie supérieure apparaît complètement disloquée, tandis que les poteaux bien rectilignes de la partie inférieure plantent fermement la plate-forme dans le paysage. C'est là l'expression analytique.
 
 
expression analytique du fait / défait : la forme se disloque complètement dans sa partie supérieure,
et s'enfiche fermement dans le sol dans sa partie inférieure
 
 
L'expression synthétique se sert de la trouble impression d'être lâché dans le vide, et d'être en même temps bien protégé par l'écran que forme le haut garde-corps de la plate-forme et les tubes qui enserrent le dessus de la plate-forme. Le bâtiment forme un abri visible sans former l'abri d'un bâtiment, c'est ici le moyen de l'expression synthétique du fait / défait.
 
 
expression synthétique du fait / défait : le bâtiment donne à la fois l'impression de nous lancer dans le vide
et de nous protéger par un réseau de tubulures qui nous enveloppent. Le bâtiment en tant qu'abri, est ainsi fait / défait

 
 
Travaux pratiques

Dans un autre texte il est expliqué que, au cycle du noeud qui fonctionne en organisation, chaque paradoxe dominant utilise trois autres paradoxes dominés qu'il combine pour se faire valoir.
Il peut être un bon exercice d'entraînement de rechercher comment le paradoxe dominant "fait / défait" utilise dans les exemples que l'on a donné les paradoxes :
                 un / multiple
                 regroupement réussi / raté
                 relié / détaché
 
Pour être complet, il convient de rechercher chaque fois l'expression analytique et l'expression synthétique de chacun de ces paradoxes.
 
  dernière mise à jour de cette page : 21 octobre 2007


 

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