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paradoxe 1

 
cycle du noeud
phase du noeud - paradoxe 0
 
 
les rouleaux de Taylor
Société dans la seconde moitié du XXème siècle
 
 
 
 
         À l’étape précédente, de grands tourbillons se sont formés, englobant de plus petits è [rappel dans une autre fenêtre]. Nous avons vu è [rappel dans une autre fenêtre] que ces grands tourbillons, bien que dotés d’un intérieur clairement délimité par une frontière externe, restaient totalement ouverts sur la dynamique du fluide extérieur qui les traverse de part en part.
         La nouvelle étape n’est rien d’autre, ni rien de plus, que la fermeture complète de cette frontière, et les trois étapes suivantes correspondront à la déformation de plus en plus grande, sur eux-mêmes, de ces tourbillons fermés qui n’effectueront plus aucun échange avec leur milieu extérieur.
         La cause de la fermeture des tourbillons et qu’ils ne peuvent pas grandir davantage, c’est-à-dire que, compte tenu de la viscosité du fluide, il ne peut pas créer un niveau supplémentaire de hiérarchie de tourbillons, et que, puisque la dynamique augmente, il faut bien qu’ils s’adaptent à ce surcroît de dynamisme qui leur est maintenant infligé.
         Lors d’une étape précédente, la 10e è [rappel dans une autre fenêtre] , nous avons déjà vu des tourbillons s’isoler pour s’adapter à un surcroît de dynamisme, mais, cette fois-ci, les tourbillons ont davantage « mûri », et ce ne sont pas des tourbillons indépendants qui s’isolent les uns des autres, mais ce sont des hiérarchies de tourbillons qui, d’un bloc et sans défaire leur hiérarchie interne, se referment sur elles-mêmes.

         L’occasion commode pour examiner cette nouvelle étape, ainsi que le passage progressif aux trois suivantes, est l’expérience dite de Couette-Taylor (Taylor-Couette, disent souvent les anglophones), du nom des deux scientifiques qui eurent l'idée d'étudier la dynamique des fluides en faisant tourner l'un contre l'autre deux cylindres transparents qui emprisonnent, entre eux, un liquide.
         Lorsque la vitesse de rotation du cylindre intérieur est encore faible, les particules fluides tournent toutes ensemble autour de l’appareil. Il se forme un simple courant laminaire qui ne laisse apparaître aucune structure dans le liquide. Tout est encore « lisse » à ce stade de l’expérience qui est dénommé « écoulement de Couette ».
         Le stade suivant, obtenu lorsque la vitesse de rotation est augmentée, est précisément celui qui correspond à l’étape que nous examinons. À ce stade, les parcelles fluides se sont mises à tourner en spiralant tout autour du double cylindre à l’intérieur duquel elles sont emprisonnées. Ces spirales se forment par paires, tournant en sens inverse l’une de l’autre. Toutes ensemble, ces paires construisent un empilement de rouleaux qui sont appelés « des rouleaux de Taylor » ou des « tourbillons de Taylor ».
 
expérience de Couette-Taylor : le stade de la formation des "rouleaux de Taylor"
[ image extraite du site de Richard M. Lueptow (http://www.mech.northwestern.edu/fac/lueptow/TC_Rich_new.html) ]
 
         Ci-dessus, un schéma qui montre quel trajet suivent les parcelles du fluide, et voici è [autre fenêtre] une vue frontale de l’appareil (image) qui montre l’empilement des rouleaux, empilement que l’on pourrait comparer à un empilement de beignets (l’effet de relief est donné par les petites particules de métal qui sont mélangées au fluide et qui réfléchissent différemment la lumière selon leur orientation par rapport à l’horizontale).
         Voici aussi è [autre fenêtre] une photographie de l’appareil prise sur sa tranche, photographie qui correspond à ce que serait une coupe verticale faite à l’intérieur du fluide. On y voit bien comment les rouleaux tourbillonnants se regroupent par paires de sens inverses, attachés ensemble dans un plus grand tourbillon. Dans cette vue toutefois, l'appareil utilisé est de faible hauteur et ne permet la formation que d'une seule paire de ce type.

Au total :
         - l’ensemble du fluide contenu entre les deux parois cylindriques de l’appareil constitue, de fait, un grand tourbillonnement d’eau refermé sur lui-même, puisqu’il tourne et que rien n’en sort ni n’y pénètre ;
         - ce grand tourbillonnement contient en lui une série de plus petits tourbillons indépendants qui sont les paires spiralantes ;
         - chacune de ces paires contient deux spirales tournant en sens inverses l’une de l’autre.
         À ce stade, nous avons donc bien affaire à une hiérarchie de tourbillons indépendants ou de sens contraires, et le plus grand tourbillonnement qui contient les plus petits est bien refermé sur lui-même. Nécessairement, il le restera lorsque, plus tard, la vitesse de rotation sera encore augmentée.
         À ce stade des rouleaux de Taylor, nous sommes donc bien à l’étape qui suit juste la formation des tourbillons hiérarchiques, celle où cette hiérarchie cesse de grossir et se referme sur elle-même.  
 
 
 
Qu'y a-t-il de paradoxal dans le fonctionnement des rouleaux de Taylor ?
 
         Le caractère paradoxal de ce tourbillonnement provient de ce qu'il réagit comme un flot unique, refermé sur lui-même et qui tourne en rond sur lui-même, tandis que, simultanément, il se comporte comme un ensemble de multiples tourbillons en rouleaux également refermés sur eux- mêmes et tournant en rond sur eux-mêmes. On se sait si l'on doit décrire cette situation comme celle d'un énorme tourbillonnement ou comme la somme de multiples tourbillonnements, d'autant que cette ambiguïté se retrouve au niveau des paires de rouleaux dont on ne sait dire s'il s'agit, chaque fois, d'une paire de rouleaux, ou de deux rouleaux associés. Cette caractéristique nous fait désigner cette situation comme relevant du paradoxe un / multiple.

 
 
Une société une / multiple
 
         Aux étapes précédentes, de même que des tourbillons de fluide se gonflent, s’isolent, puis s’associent en emboîtements hiérarchisés, nous avons évoqué la façon dont les nations se sont cristallisées, puis ont gonflé pour le meilleur et pour le pire des nationalismes, puis enfin, la façon dont elles ont commencé à s’associer et à collaborer sur un niveau international de plus en plus élevé.
         Le stade maximum de cette évolution est évidemment celui où les sociétés de la terre entière commencent à réagir comme un seul et même corps économique et social, même si ce corps n’est pas unifié et qu’il est encore bourré d’antagonismes nationaux virulents. L’économie mondialisée, cela apparaît vraiment et se repère, paradoxalement, lorsqu’elle commence à fonctionner de façon divisée, et même de plus en plus divisée, c’est-à-dire lorsque la spécialisation du travail est devenue un fait qui vaut désormais à l’échelle mondiale.
         La spécialisation, du moins son visage moderne, a commencé par une forte parcellisation du travail sur les chaînes de production, ce qu'on a appelé taylorisme. À la suite de cette nouvelle organisation du travail, qui s’est progressivement généralisée à de nombreux secteurs de production de par le monde, la compétition entre économies est alors devenue si vive que le savoir-faire s'est spécialisé par pays entiers. Ainsi, après la 2e guerre mondiale, le Japon s'est spécialisé dans les composants électroniques et dans les appareils de radio et de télévision, au point que bon nombre de pays n’ont plus cherché à fabriquer de tels produits. De la même façon, à la même époque, certains pays n’ont pas cherché à fabriquer des automobiles, se contentant de s’approvisionner auprès des pays qui s’y étaient spécialisés, et se concentrant, pour leur part, sur d’autres secteurs d’activité.
 
         L’unification de plus en plus évidente des marchés mondiaux et la division de plus en plus forte du travail ont donc grandi simultanément, mais un processus similaire s’est produit dans la façon de penser et d’organiser le savoir.
         La science et la méthode scientifique ont, en effet, progressivement donné l’occasion d’une unification des savoirs et donné le moyen de les faire partager et progresser en cohérence sur la terre entière, quelles que soient les civilisations impliquées et leurs différences de croyances et d’habitudes de pensée. Mais la croissance exponentielle des connaissances, tout autant que l’aspect académique qu’a dû revêtir la méthode scientifique pour garder sa cohérence, ont simultanément généré la parcellisation des sciences et des savoirs, chaque discipline se refermant de plus en plus jalousement sur sa spécificité, sur ses méthodes, sur ses enjeux.
         Le savoir est devenu global, unifié dans sa méthode générale, mais personne aujourd’hui n’a plus de vision entière et globale sur sa propre discipline, découpée en rondelles de plus en plus autonomes et de plus en plus étanches les unes pour les autres.
 
         Dans l’économie mondiale comme dans le savoir, le stade de l’unification la plus globale commence donc par se caractériser, simultanément, par son aspect contraire, celui de la division, celui de la parcellisation de plus en plus forte et de plus en plus systématique.
 

 
 
Traduction dans l'art et la musique du paradoxe "un / multiple"
 
         Pour une raison que nous expliquons ailleurs [ F voir cette explication] ce n'est qu'à l'étape suivante de l'évolution de la société que ce paradoxe sera le paradoxe caractéristique de l'architecture. Du fait de la transformation de plus en plus rapide de la société, ce fonctionnement commence à s'installer avant même que le précédent n'ait eu le temps de se généraliser, de telle sorte que les artistes qui correspondent à des étapes successives de la complexité se retrouvent en fait parfaitement contemporains. Il n'est donc pas possible de repérer une période précise dans l'art et la musique relevant du fonctionnement de ce paradoxe, et nous devons trier parmi les contemporains ceux qui en relèvent.
 
         è architecture     deux exemples d'architectures qui fonctionnent en un / multiple :
                                                Tschumi : le parc de la Villette à Paris
                                                Libeskind : le Musée juif de Berlin
          è musique          les expressions caractéristiques de cet effet
 
 
 
Et l'architecture de la société qui fonctionne de façon "une / multiple" ?
 
         Comme indiqué au début du paragraphe précédent, le paradoxe en jeu dans l'architecture d'une époque est toujours en retard d'une étape sur l'évolution des paradoxes en jeu dans la dynamique même de la société.
         La dynamique précédente de la société était fondée sur le paradoxe "intérieur / extérieur", c'est donc ce paradoxe qui fonctionne dans l'architecture des architectes qui vivent dans une société qui fonctionne de façon "une / multiple".
         On peut :
 
         è      aller voir l'explication de la cause de cette situation paradoxale "intérieure / extérieure"
         è      voir directement des exemples de l'architecture "intérieure / extérieure"
                     (Christo & Jeanne-Claude : le Reichstag Empaqueté à Berlin
                      et Boffil : église de Meritxell)


  dernière mise à jour de ce texte : 30 août 2007


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