I accueil E 
sommaire Art
E
Sommaire Musique
  avant :    E 
phase de l'organisation paradoxe 0 
G
tableau complet
suite :    F 
phase de l'organisation 
paradoxe 2

 
cycle du noeud
phase de l'organisation - paradoxe 1
 
 
tourbillon ronds isolés
Société dans la 1ère moitié du XXème siècle
 
 
 
 
         En augmentant les différences de vitesses dans le fluide dont nous suivons l'évolution, à l'étape précédente nous avons forcé son tourbillonnement en spirale à se diviser en spirales multiples qui s'épuisent l'une derrière l'autre, et nous disposons maintenant d'une chaîne interminable où chaque maillon spiralant s'appuie sur la dynamique du précédent et épaule la dynamique du suivant è [rappel dans une autre fenêtre].
         Si nous augmentons encore le différentiel de vitesse, nous allons accuser le processus en cours, c'est-à-dire que nous allons aggraver la coupure entre les spirales. L'aggravation de cette coupure va finir par refermer chaque spirale sur elle-même, par les isoler tellement les unes des autres que la solidité de la structure commune va disparaître. À terme, les spirales vont en venir à tourner complètement sur elles-mêmes, perdant ainsi leur allure spiralante pour se transformer en de simples disques qui tournent en rond. Plus le différentiel de vitesse à absorber sera important, plus les spirales fonctionneront coupées les unes des autres, et plus leur structure d'ensemble perdra son caractère linéaire pour se transformer en un magma informe dans lequel ces disques tourbillonnants apparaîtront comme autant de noyaux isolés.
         [nota : on peut trouver une présentation de ce nouveau phénomène physique dans l'analyse du 4ème paradoxe des gravures sur roc au Val Camonica dans la très brève histoire de l'art]

         Pour illustrer cette métamorphose des tourbillons spiralant associés en tourbillons ronds tournant isolément, nous donnons une reproduction de deux simulations numériques.
         è [autre fenêtre] L'une est la simulation des tourbillons qui se forment dans l'air à l'entrée d'un réacteur : les tourbillons continuent encore à s'enchaîner dans des spirales qui se dessinent entre l'un et l'autre, mais leur noyau est déjà un disque autonome qui tourne sur lui-même. [cliché E. David, LEGI-Dassault]
         è [autre fenêtre] Dans l'autre la structure commune a presque complètement disparue, et seules des amorces de spirales servent encore à chaque noyau isolé pour échanger son fluide avec les autres. [cliché M. Farge, Paris- version en noir et blanc ci-dessous]

 
 
 
 
Qu'y a-t-il de paradoxal dans une dynamique où nagent des tourbillons isolés ?
 
         L'important à noter est que ces noyaux, qui fonctionnent comme des mécanismes indépendants, pour autant ne vivent pas en autarcie. Si par exemple on mettait un colorant dans une partie de ce fluide, on le verrait se répandre partout, rentrer et sortir de chaque tourbillon et se mélanger de plus en plus à l'ensemble. À l'occasion de l'étape précédente on a dit qu'on devait maintenant regarder l'organisation caractéristique qui se crée à chaque nouvelle étape : cette fois on peut dire que l'allure spéciale de cette dynamique est qu'il s'agit d'organisations indépendantes les unes des autres, mais qui continuent à rester liées entre elles parce qu'elles vivent en échange mutuel constant. Malgré ce lien, l'indépendance que les tourbillons ont acquise est soulignée par le fait qu'ils ne s'associent plus pour créer une structure commune à grande échelle, ce qu'ils faisaient à l'étape précédente des allées de von Karman. Pour cette raison nous désignons cette situation comme relevant du paradoxe lié / indépendant.

         Il importe de bien sentir la différence entre ce paradoxe et le paradoxe "continu / coupé" qui caractérisait le fonctionnement du fluide ou de la société à l'étape précédente :
- être coupé ce n'est pas exactement être indépendant, car dans la coupure on insiste sur le fait que l'on est séparé des autres, alors que dans l'indépendance on insiste sur le fait que notre fonctionnement interne marche tout seul.
- de la même façon, être continu ce n'est pas exactement être relié, car dans la notion de continu on insiste sur le fait que la société forme une dynamique d'ensemble qui passe de façon ininterrompue de l'un à l'autre des individus qui la constituent, alors que dans la notion de relié il y a seulement l'idée que cela entre et sort de nous. On est lié à une attache, mais nous ne sommes pas pour autant directement attachés à une autre personne précisément repérable.
         Cette modification du paradoxe est de la même nature que la modification du fonctionnement de la dynamique : dans l'allée de von Karman chaque spirale est directement attachée à deux autres spirales, tandis que les tourbillons isolés ne sont pas attachés directement les uns aux autres. Cela a une influence sur leur dynamique réciproque : les spirales qui s'enchaînent sont encore très interdépendantes l'une de l'autre et dépendantes de la régularité de leur structure d'ensemble, tandis que les noyaux circulaires isolés fonctionnent par échange avec leur environnement immédiat, sans que la structure d'ensemble ait grande importante pour eux. Quand l'une des spirales d'une allée de von Karman veut se gonfler, se rétrécir ou s'éloigner de la bande, il en résulte une réaction immédiate de toutes les autres spirales alentour qui empêchent cette évolution, tandis que dans une nappe de tourbillons à noyaux circulaires, l'un peut gonfler, se rétracter ou se déplacer, sans que les noyaux du voisinage aient une capacité significative de réagir et de contrer cette transformation.

 
 
Une société liée / indépendante
 
         Un mot maintenant sur la société occidentale réelle, et non plus son dynamisme envisagé abstraitement. À quel phénomène historique repérable peut-on associer ce gonflement de chaque tourbillon sur lui-même au détriment de la structure d'ensemble ? Comme pour le liquide, on peut raisonner en terme d'accentuation du mécanisme précédent, et rechercher si les nationalismes précédemment ressurgis et qui ne sont plus bridés par la nécessité de rester dans un rapport équilibré avec leurs voisins, ont eux aussi fait gonfler chaque nation au détriment de la régularité de l'interdépendance des économies ? Comment expliquer autrement le ressurgissement de l'Allemagne et son regonflement avant le début de la seconde guerre mondiale, son mouvement d'annexion progressive de tous les pays voisins dans l'enthousiasme des populations allemandes qui s'y trouvaient et qui ne rêvaient que de s'incorporer dans le Grand Reich en train de gonfler ? Mais on peut tout aussi bien associer à ce phénomène l'incorporation toujours plus profonde de l'économie et de la culture des colonies dans le cycle interne à l'économie et à la culture de chaque pays bénéficiant d'un empire colonial, l'Angleterre et la France en premier rang. On peut y associer aussi la tentative d'autres pays, tels l'Italie, de se gonfler en constituant à leur tour un empire colonial et annexant pour cela l'Éthiopie, ou du Japon annexant la Chine.
         Mais ce n'est pas seulement la seconde guerre mondiale qui résulta de cette tendance de certaines nations à grossir au fur et à mesure que leur dynamique propre s'emballait, la guerre froide qui suivit fut aussi le résultat de la tendance des deux blocs qui s'étaient formés à grossir au détriment de l'autre, en annexant dans leur giron le maximum de nations, ou en s'efforçant d'empêcher qu'elles ne basculent dans la "sphère d'influence" de l'autre. Que l'on parle de sphères d'influence ou de tourbillons qui tournent en rond sur eux-même, ne parle t'on pas fondamentalement du même genre de dynamique ?
         Il y a un autre aspect caractéristique qui résulte de ce genre de dynamique, mais qui concerne cette fois l'évolution interne : on n'est plus au stade de la spirale qui s'arrange pour imbriquer harmonieusement et en douceur ses contradictions internes, on est au stade du tourbillon circulaire où toutes les contradictions sont effacées pour que cela tourne impeccablement rond, et les seules différences qui subsistent sont celles qui ont trait à la proximité plus ou moins grande du centre du tourbillon. Et pour que cela tourne rond, il n'y a pas des tas de solutions, il faut que tout ce qui fait contraste soit laminé ou éjecté. Cela aussi on l'a vu dans la dynamique sociale de cette époque : les juifs, les tziganes et quelques autres peuples un peu trop "différents" en ont fait l'expérience, et pas seulement en Allemagne, mais dans presque tous les pays d'Europe, y compris en Russie.
         Pendant la guerre froide qui suivit la seconde guerre mondiale, la chasse aux sorcières communistes dans l'Amérique maccarthyste, et la chasses aux vipères capitalo-trostkistes dans l'URRSS stalinienne, ressortaient du même besoin d'éjecter du fonctionnement interne toute personne susceptible d'entraver l'uniforme régularité de ce fonctionnement. Ce besoin de laminer était d'ailleurs tellement inhérent au fonctionnement social, que dans les deux cas il fallut inventer de toutes pièces de tels suppôts supposés vendus au camp adverse . . . pour avoir suffisamment à éjecter.
     On ne pouvait passer au dessus de ces aspects déplaisants qu'a revêtu le fonctionnement de la société occidentale à un moment donné du développement de son organisation, mais qui tout bien pesé ne sont pas plus déplaisants que les Saint-Barthélémy des guerres de religions, la Terreur de l'époque révolutionnaire, les guerres Napoléoniennes, ou la Terreur blanche de l'époque post-napoléonienne . . . tout cela pour ne parler que de la France.
 
 
 
Traduction dans l'art et la musique du paradoxe "lié / indépendant"
 
         Pour une raison que nous expliquons ailleurs [ F voir cette explication] ce n'est qu'à l'étape suivante de l'évolution de la société que ce paradoxe sera le paradoxe caractéristique de l'architecture. Du fait de la transformation de plus en plus rapide de la société, ce fonctionnement commence à s'installer avant même que le précédent n'ait eu le temps de se généraliser, de telle sorte que les artistes qui correspondent à des étapes successives de la complexité se retrouvent en fait parfaitement contemporains. Pour cette raison pendant plusieurs étapes nous avons affaire à des artistes qui sont habituellement classés ensemble dans le "mouvement moderne", ce qui était déjà le cas lors de nos deux dernières étapes.
 
         è architecture     deux exemples d'architectures qui fonctionnent en lié / indépendant :
                                        Le Corbusier : maisons à Pessac
                                        Niemeyer : la Cathédrale de Brasilia
                                        (cet exemple est analysé plus complètement dans la brève histoire de l'art)
         è musique          les expressions caractéristiques de cet effet
 
 
 
Et l'architecture de la société qui fonctionne de façon "liée / indépendante" ?
 
         Comme indiqué au début du paragraphe précédent, le paradoxe en jeu dans l'architecture d'une époque est toujours en retard d'une étape sur l'évolution des paradoxes en jeu dans la dynamique même de la société.
         La dynamique précédente de la société était fondée sur le paradoxe "continu / coupé", c'est donc ce paradoxe qui fonctionne dans l'architecture des architectes qui vivent dans une société qui fonctionne de façon "liée / indépendante".
         On peut :
 
         è      aller voir l'explication de la cause de cette situation paradoxale "continue / coupée"
         è      voir directement des exemples de l'architecture "continue / coupée"
                    qui forme ce que nous appellerons par commodité l'Art Moderne -2-
                    (Eero Saarinen : terminal TWA à New York Idlewild
                      et Mies Van der Rohe : la Villa Tugendhat à Brünn)
 


I 

 accueil 

E 

Art

E
 
Musique
G 

 haut 

suite :    F   phase de l'organisation - paradoxe 2
O 
 
auteur