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Ian Stewart fait goutter son robinet
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pour voir se qui se passe dans la 4ème dimension

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RAPPEL : une version de l'ensemble du développement, revue et améliorée dans le détail, est disponible en format pdf à l'adresse : Dimensions des nombres  

 
 
 
Naissance d'une dimension
 
On a commencé à parler de l'interférence entre les trois causes de déformation courbe qui produisent les gouttes.
L'hypothèse que l'on va faire sur la cause de l'apparition du chaos, a trait à une caractéristique particulière que va prendre à un certain moment cette interférence.
Ian Stewart explique dans son livre "Dieu joue-t-il aux dés ?" [revoir E ces références de cet ouvrage] que quand le chaos apparaît, il y a toujours en même temps quelque chose qui devient autosimilaire dans le phénomène. On fait ici l'hypothèse que c'est la déformation résultante, celle produite par l'interférence entre les trois déformations courbes initiales, qui devient alors autosimilaire et provoque aussitôt l'apparition du chaos.
On explique maintenant pourquoi.
 
 
 
Si les trois causes engendrent entre elles une déformation combinée autosimilaire, cela veut dire qu'à chaque échelle où l'on peut considérer l'eau en train de former une goutte, l'interférence entre les trois déformations courbes (pression,  gravité et tension capillaire) forme une partie d'interférence en phase avec l'interférence globale. 
 
Ce que cela change, c'est que si maintenant on augmente encore un peu la pression qu'exerce la 1ère déformation, ce supplément va être encaissé de façon coordonnée à toutes les échelles du liquide.  
Puisque le nombre d'échelles où un phénomène peut se diviser tend vers l'infini, cela veut dire que ce supplément de déformation va être divisé presque à l'infini. Il va être émietté, saucissonné entre toutes les échelles du liquide. Il perdra proportionnellement, donc "infiniment", de son pouvoir déformant. 
Or, diviser à l'infini, c'est réduire à zéro. 
 
Ce qui est valable pour la déformation par la pression, vaudra de la même façon pour les deux autres causes de déformation : soudainement, chacune des trois prendra donc une valeur nulle.  
 
Ceci peut se résumer en disant que le caractère autosimilaire acquis par l'interférence des trois déformations courbes devient une cause de stabilisation de la déformation, une cause qui s'oppose à tout surcroît de déformation en l'éparpillant sur une infinité d'échelles.  
  
L'autosimilarité agit donc comme une force qui contraint le phénomène de déformation à se réduire.  
Elle "déforme la déformation" du phénomène.  
Elle devient ce qu'on peut bien appeler une nouvelle cause de déformation, puisque sans elle le phénomène aurait pris une autre forme.  
 
 
Nous venons de dire qu'une cause qui fait stopper une déformation mérite d'être appelée elle- même "déformation". Il n'y a pas de quoi en être choqué, car c'est strictement similaire au cas d'une force qui s'oppose par exemple à la progression d'un objet : on pousse l'objet en lui imprimant une force et son déplacement occasionne un frottement qui stoppe ce déplacement. Le frottement qui arrête l'objet reçoit le même nom de "force" que la cause qui pousse l'objet.
Ici, ce qui s'oppose au changement est appelé "déformation", de la même manière que la cause opposée qui tend à l'accroître. 
 
L'autosimilarité est donc une cause de déformation. Mais plus que cela, c'est une cause de déformation autonome, une cause distincte des trois premières, car celles-ci tendent à accroître la déformation, alors que la nouvelle tend à la limiter.
Bien qu'étant le résultat de leur interférence, elle n'a donc rien à voir avec "l'addition" de ces trois causes.
Précédemment, on avait donné un schéma [revoir E ce schéma] indiquant comment le principe d'addition vectorielle des forces pouvait se trouver parfois mis en défaut par l'allure de l'interférence de ces forces. C'est probablement maintenant où l'explication de ce qui arrive au phénomène est tout entière contenue dans la caractéristique de l'interférence, que cette représentation vectorielle traditionnelle est la plus handicapante : tout lui échappe, elle nous aveugle complètement sur ce qui se passe.
 
 
  
Ce n'est pas la première fois qu'on est amené à considérer que le caractère autosimilaire d'un phénomène agit comme une force. Ainsi, Pierre Gilles de Gennes, dans un article "la matière ultradivisée" [L'Ordre du Chaos - Bibliothèque Pour La Science - diffusion Belin - 1989] en avait donné un autre exemple. 
Il considérait des grains de peinture entourés chacun d'une auréole de polymère. Les chaînes de polymères se mettent d'elles-mêmes en réseau autosimilaire à toutes les échelles. Et Pierre Gilles de Gennes conclu que cette autosimilarité des réseaux, lorsqu'elle cherche à se reproduire également dans l'interférence entre les auréoles de tous les grains, agit alors comme une force qui repousse les grains les uns des autres. L'autosimilarité des réseaux d'auréoles empêche les grains de coalescer, c'est-à-dire de s'agglomérer entre eux comme ils le feraient en l'absence des auréoles. 
  
la structure autosimilaire d'une auréole diffuse de polymère autour d'un grain, 
selon P.G. de Gennes 
 
 
 

Pour en revenir au robinet qui goutte, nous avons donc dans l'évolution de l'interférence entre les trois forces qui causent les déformations, un moment où cette interférence acquiert une propriété d'autosimilarité qui la transforme elle-même en force :
     - en force distincte et autonome des trois premières forces, puisqu'elle n'agit pas de la même manière qu'elles ;
     - en cause nouvelle de déformation qui agit dans tout le volume et à toutes les échelles de façon similaire.
Nous avons donc là exactement toutes les propriétés qu'il faut pour qu'une cause de déformation soit appelée "dimension" : elle déforme, pour son propre compte, dans toutes les directions, et de même façon à toutes les échelles. C'est une dimension de déformation courbe autosimilaire. Par conséquent, c'est une "dimension fractale".
 
 
  
Nous avions donc commencé avec un robinet qui gouttait dans l'espace 3 D (3 dimensions d'espace), sous l'influence d'un phénomène 3 D (3 dimensions de déformation). 
Puis soudain nous nous retrouvons avec un robinet qui continue à goutter dans l'espace 3 D, mais qui subit maintenant l'influence d'un phénomène 4 D (4 dimensions de déformation).  
 
La description la plus immédiate de ce qui se passe alors, est de dire que les dimensions d'espace se trouvent "débordées" par le nombre des dimensions du phénomène. Les dimensions d'espace ne peuvent plus contenir en continu toutes les dimensions du phénomène, car l'autosimilarité lui donne une dimension en trop pour cela.  
 
Mais rien ne peut empêcher le phénomène d'avoir plus de dimensions que son réceptacle. Cela ne gêne pas le phénomène d'avoir plus de dimension que l'espace où il évolue. 
En conséquence, rien ne change pour le phénomène : il continue d'être parfaitement déterminé par l'interférence de ses dimensions fractales de déformation qui sont maintenant 4. 
Il n'y a que pour nous que cela change quelque chose, car dans l'espace 3 D, on ne peut voir se développer de façon continue que 3 dimensions de déformation à la fois. Nécessairement, la 4ème dimension de déformation ne correspond plus à des liens de proximité dans l'espace, ne correspond plus à une continuité visible dans l'espace.  
Pour nous, c'est donc le chaos apparent. Visiblement, des parties du phénomène sont éparpillées sans lien de continuité entre elles, mais, dans la réalité des causes qui agissent dans le phénomène, elles sont liées et continues l'une l'autre dans toutes leurs 4 dimensions.  
 
 

 

Pour donner un équivalent de ce que signifie "être relié en réalité mais pas visiblement", on peut s'imaginer que l'on est un être 1 D (une droite par exemple), et que l'on cherche à apercevoir un carré (réalité 2 D) qui nous traverse.

En tant que créature 1 D, tout ce que nous pouvons voir et saisir du carré, ce sont les points A et B où il nous traverse. Pour nous, ces 2 points sont parfaitement séparés, discontinus. Il y a une infinité de points C, D, E, F, etc. qui les séparent et les empêchent d'être liés. Nous sommes incapables de concevoir que ces 2 points soient, en réalité, reliés en continu par une figure carrée, car pour nous, dans notre univers 1 D, un carré cela n'existe pas, cela n'a pas de sens. Tout ce qui est continu pour nous entre A et B doit forcément passer par C, D, etc.
 
Si le carré se met à bouger, à glisser par exemple le long de notre droite-univers, nous serons incapables de saisir un rapport quelconque entre le fait que le carré quitte le point A, et le fait qu'il quitte en même temps le point B.
Cela sera pour nous deux déplacements dont les causes nous paraîtront indépendantes. Si, par-dessus le marché, le carré se met à tourner en même temps qu'il glisse, le rythme de déplacement de B va varier en conséquence d'une façon différente de celui de A. Le rapport entre ces deux rythmes nous paraîtra complètement aléatoire, en particulier quand le sens de déplacement d'un point changera au passage d'un des sommets du carré sur la droite.
 
On dira de ce rapport qu'il est chaotique, mais il ne l'est pas dans la réalité. Il ne nous apparaîtra ainsi que parce que la cause qui génère son évolution (le déplacement d'un carré qui pivote sur lui-même) a une dimension de trop pour être saisie en continu dans notre univers 1 D.
 
Quand l'autosimilarité transforme un phénomène 3 D + T (le temps) en phénomène 4 D + T, c'est exactement la même chose pour nous qui vivons dans un univers 3 D + T. Nous sommes incapables de voir, de saisir, ce qui relie en continu ce qui se produit dans une 4ème dimension.
 
À la question parfois posée : "où se cache l'ordre caché du chaos déterministe ?", nous sommes donc en mesure de proposer cette réponse :  il ne se cache pas ! Il évolue seulement dans une 4ème dimension à laquelle nous sommes aveugles, car nous ne pouvons voir en continu dans l'espace que 3 dimensions à la fois.
Mais prenons bien garde à considérer qu'il n'évolue pas dans une 4ème dimension d'espace qui n'existe pas, mais dans une 4ème dimension de déformation. Ce qui pour nous fait chaos, c'est que l'espace n'a que 3 dimensions, ce qui est insuffisant pour rendre compte de la continuité simultanée de 4 dimensions de déformation.
 

 
 


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