Christian RICORDEAU

 

11e période de l'histoire de l'art

- artistes né(e)s entre 1966 et 1990 -

 

 

 

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À l'issue de leur émergence pendant la 10e période, la notion de produit-fabriqué et celle d'intention n'ont pas encore acquis le statut de notions globales résumant tous les aspects qui se rapportent à chacune, elles sont toujours pensées au cas par cas, chaque cas correspondant à un conflit particulier qui n'est pas perçu comme représentatif d'un antagonisme général entre les deux notions. Toutefois, la phase d'émergence a permis que les deux notions ne soient plus complètement étrangères l'une pour l'autre puisqu'elles y ont acquis la capacité de se mettre en relation lorsqu'elles se confrontent, et cela quels que soient leurs types respectifs, 1+1 ou 1/x.

À l'entrée de la nouvelle période, que l'on dira de « 1re confrontation », cette capacité de mise en relation au cas par cas des deux notions va engendrer deux situations bien distinctes. Car en effet, il existe toujours deux façons différentes d'entrer en relation : soit la notion de produit-fabriqué et la notion d'intention sont pensées complètement indépendantes l'une de l'autre, et c'est en cette qualité de notions indépendantes qu'elles se mettent «  librement » en relation mutuelle, soit elles sont posées d'emblée comme étant les deux parties d'un couple, et c'est à l'intérieur de ce couple qu'elles entrent en relation. Dans le premier cas on dira que les deux notions ont une relation au cas par cas qui relève du type 1+1, plus exactement on la dira du type « additif », cela afin de bien distinguer la relation entre les deux notions et le type des deux notions prises individuellement, chacune pouvant en effet être aussi bien du type 1+1 que du type 1/x. Dans le second cas, on dira que les deux notions ont une relation au cas par cas qui relève du type 1/x, une relation qu'on appellera du type « couplé » afin de bien distinguer la relation entre les deux notions et le type des deux notions prises individuellement, lesquelles pourront à nouveau être aussi bien du type 1+1 que du type 1/x. La différence entre ces deux types de relation implique une différence fondamentale entre les arts plastiques et l'architecture :

         une architecture correspond à un bâtiment qui est fabriqué pour remplir des usages largement indépendants de la volonté de son architecte, et elle correspond aussi à l'intention de celui-ci concernant plus spécialement sa mise en forme. Dans une architecture, les notions de produit-fabriqué et d'intention forment donc d'emblée un couple, c'est-à-dire qu'elles y entretiennent fondamentalement une relation du type couplé ;

         par différence, une peinture, une sculpture ou une installation sont des oeuvres fabriquées qui n'existent que par l'intention d'un artiste de les fabriquer, ce qui revient à dire qu'elles n'existent que parce qu'il y a d'abord une intention les concernant, puis qu'elles sont ensuite fabriquées. Elles correspondent donc à une intention + à un objet fabriqué pour répondre à cette intention, et par conséquent elles relèvent fondamentalement d'une relation du type additif.

La différence entre ces deux modes d'expression implique qu'il ne se passera pas du tout la même chose dans les arts plastiques et dans l'architecture. Dans les arts plastiques, le caractère additif de la relation entre les deux notions impliquera une difficulté intrinsèque pour la faire évoluer, de telle sorte que leur évolution consistera essentiellement à transformer ce caractère additif de leur relation (1+1) en une relation de type couplé (1/x). Dans l'architecture cette fois, une mise en relation des deux notions étant d'emblée assurée par le caractère couplé de leur assemblage, l'enjeu de la 11e période consistera, à l'intérieur de cette relation, à approfondir la vigueur du contraste entre la notion de produit-fabriqué et la notion d'intention jusqu'à le porter à son paroxysme.

 

Après ce préambule général, on en vient à ce qui va spécialement se passer dans les arts plastiques qui seront l'objet du prochain chapitre. Il faut sans doute s'accrocher un peu pour saisir la subtilité de la situation, mais elle est incontournable.

À l'issue de la période précédente, on a dit que les deux notions savaient désormais se mettre en relation, du moins au cas par cas. On avait toutefois négligé de regarder de près les différents cas de figure correspondant à chacune des quatre filières analysées, si bien qu'on ne s'est pas aperçu que tous les cas de figure n'ont pas été envisagés. Plus précisément, on a envisagé les cas où la mise en relation des deux notions pouvait se réaliser commodément, et les cas de figure plus ardus, négligés lors de la période précédente, sont précisément ceux qui seront maintenant envisagés. Qu'ont-ils donc de spéciaux ces cas de figure suffisamment ardus pour résister à l'évolution intervenue lors de la période précédente ? Ils correspondent à des situations où l'une des deux notions comporte un ou des éléments que l'on appellera « célibataires ». Une telle situation ne se rencontre que si l'une des deux notions est du type 1+1, et l'on dira qu'elle comporte un élément célibataire si l'un de ses éléments, qui est donc en +1 à l'intérieur de sa propre notion, vient également en +1 par rapport aux éléments qui constituent l'autre notion.

Cet élément célibataire est donc une espèce de grumeau qui complique la relation entre les deux notions, qui résiste à leur mise en couple car il n'est pas « neutre » vis-à-vis des éléments de l'autre notion, il est en situation de +1 par rapport à eux, c'est-à-dire spécialement étranger à eux, spécialement hétérogène, spécialement indépendant.

 

Puisqu'un « grumeau célibataire » ne se rencontre que si l'une des deux notions est du type 1+1, cela implique que, pendant toute cette 11e période, on ne rencontrera pas simultanément le type 1+1 pour les deux notions, ni non plus simultanément le type 1/x pour les deux notions, toujours une notion avec le type 1/x et l'autre avec le type 1+1, mais il restera deux cas de figure possibles, selon que c'est la notion de produit-fabriqué qui dispose du type 1/x ou selon qu'il s'agit de la notion d'intention.

Évidemment, comme dans la période précédente, ces deux cas de figure donneront naissance à deux filières distinctes, mais on aura en réalité toujours quatre filières car chacune se dédoublera en une filière correspondant à un faible niveau de tension entre les deux notions et une filière correspondant à un niveau de tension élevé. Ce sont les effets plastiques qui différencient les deux niveaux de tension que l'on vient d'évoquer, mais comme on n'analysera pas ici les effets plastiques concernés cela n'aura pas d'autre conséquence que la précision, dans le titre en tête de chaque filière, du fait que les exemples alors envisagés relèvent de la filière de faible énergie ou de la filière de forte énergie. À l'issue de ces exemples, toutefois, on fera une analyse des thèmes correspondant à chacune des quatre filières, et l'on verra alors qu'une différence d'énergie correspond bien aux deux filières d'un même cas de figure.

Toujours par souci de brièveté, comme dans la période précédente on ne présentera pas toutes ses étapes, mais seulement ce qui arrive à chacune des quatre filières en présentant un exemple analytique et un exemple synthétique de sa première étape et de sa dernière étape. Une expression est analytique si l'on peut considérer séparément chacun de ses aspects contradictoires, et elle est synthétique si les deux aspects doivent être ressentis simultanément, mais on n'insistera pas sur ce point, se contentant, et cela de façon systématique, de présenter d'abord un exemple analytique, puis un exemple synthétique. Dans les titres définissant ces filières, « PF » sera pour produit-fabriqué, et « i » pour intention.

Évidemment, renoncer à 3 étapes sur 5 implique de renoncer à 3 artistes sur 5 correspondant à cette période, mais pour prendre connaissance plus complètement de toutes les étapes de filières et des effets plastiques qui y sont concernés, on pourra consulter la présentation détaillée de l'évolution de cette 11e période dans le chapitre 13 du tome 3 de l'Essai sur l'art

 

Justification de l'absence d'images : certaines images sont remplacées par un lien permettant d'y accéder à l'extérieur du site, cela afin de ne pas avoir à régler de droits d'auteur qui me seraient réclamés par l'adagp malgré le caractère non commercial de ce site et le fait que ces images correspondent, à mon avis, au caractère de courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique et scientifique du texte auquel elles sont ici incorporées, tel que prévu par l'article 41 de la loi du 11 mars 1957 sur le droit d'auteurs.

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1-  La 1re confrontation au cas par cas dans les arts plastiques

 

(la première et la dernière étape dans chacune des 4 filières)

 

 

L'évolution dans la 1re filière, dans laquelle PF est du type 1/x alors qu'i est du type 1+1 et que la tension entre les deux notions est de faible intensité :

 


 

Ardan Özmenoğlu     Source de l'image : http://alanistanbul.com/turkce/coming/ardan-ozmenoglu-1979?lang=en

 

Comme premier exemple de la première étape, une œuvre d'Ardan Özmenoğlu qui est une artiste turque (née en 1979) utilisant souvent des Post-it pour décomposer la surface de ses œuvres. C'est le cas de cet angle de panneaux représentant de multiples façades de machines à laver présentés dans une galerie d'Istanbul en 2014. Puisqu'on y trouve de multiples fois la même façade de machine, les panneaux qu'elle a fabriqués pour regrouper ces façades sont du type 1/x.

Chaque façade de machine est colorée de façon différente, et la reconstitution de la photographie des façades à l'aide de Post-it est souvent très grossière, soit parce qu'ils sont mal jointifs, voire collés de travers, soit parce qu'ils sont d'une couleur uniforme qui masque une partie de la façade. Ainsi, sur certaines le tableau de commande de la machine avec ses boutons est complètement escamoté, ce qui cependant n'empêche jamais que l'on reconnaisse bien le rond central, ce qui suffit pour que l'on sache qu'on a affaire à une image semblable aux autres, à son coloris près et à ses détails près. Le choix de donner tel ou tel jeu de couleurs à l'une des façades et celui de dégrader plus ou moins sa représentation relèvent de l'intention de l'artiste. Cette intention est différente d'une machine à l'autre, et cela sans que l'on puisse repérer une quelconque logique dans l'alternance des couleurs ou dans la décision de conserver ou d'altérer leurs détails. Ne relevant d'aucune logique, d'aucune régularité, ces intentions s'ajoutent donc en 1+1 les unes à côté des autres pour correspondre, chaque fois, à l'une des 1/x images de machines fabriquées par l'artiste.

Outre le caractère additif de toutes ces intentions de mise en couleur et de dégradation de l'aspect sans lien entre elles et placées les unes à côté des autres, par elle-même l'intention de dégrader l'image des façades de machine à laver s'ajoute en +1 à l'intention de représenter ces façades, car il n'y a aucune relation entre le fait de vouloir représenter une machine et le fait de vouloir dégrader cette représentation. Ce sont deux intentions différentes relatives au même objet fabriqué, et même deux intentions opposées, puisque l'une revient à dégrader l'autre.

Globalement, on peut donc conclure que si l'intention de représenter des façades de machines à laver est nécessairement en relation avec la fabrication de telles images, l'intention de dégrader de 1+1 façons différentes l'image de ces machines reste à former un grumeau célibataire puisqu'elle n'est, ni d'emblée en relation avec la fabrication normale d'une image de machine à laver, ni capable de s'associer avec l'intention de fabriquer de telles images.

On a ici un produit fabriqué qui est du type 1/x et des intentions qui sont du type 1+1, et parmi ces intentions celle de dégrader l'aspect de la représentation des machines est en situation célibataire. On est donc dans l'une ou l'autre des deux premières filières de la 11e période, en l’occurrence dans la première, mais comme on l'a dit en introduction, on ne justifiera pas ici le classement entre filière « de tension faible » et filière « de tension forte » car on peut très bien s'en passer pour comprendre ce qui se passe et qui n'est pas fondamentalement différent selon la force de cette tension.

 

 



 

Ella & Pitr : fresques sur terrasse à Montréal (2016) et sur un mur à Roche-la-Molière (2015)

Sources des images : https://pointcontemporain.com/ella-pitr/ et https://www.saint-etienne-hors-cadre.fr/patrimoine-culturel/street-art-ella-et-pitr-roche-la-moliere/

 

 

Second exemple de la première étape de la 1re filière, avec deux fresques réalisées par les artistes français Ella & Pitr (Pitr né en 1981, Ella née en 1984). La première sur une toiture en terrasse de Montréal, au Canada, date de 2016, l'autre sur un mur de Roche-la-Molière, près de Saint-Étienne en France, date de 2015. Chaque fois il s'agit de personnages géants recroquevillés qui occupent toute la surface du bâtiment sur lequel ils sont peints, semblant même pousser sur toutes ses limites. Les deux artistes les appellent des « Colosses ». Et chaque fois il y a deux produits fabriqués fondus l'un avec l'autre et relevant donc du type 1/x : d'une part, une paroi de bâtiment préexistant à l'intervention des artistes, y compris ses édicules de ventilation et le relief d'une nervure centrale dans le cas de la terrasse, y compris la forme pentue de ses toitures dans le cas du pignon, et d'autre part la fresque fabriquée par les artistes qui occupe toute la surface de cette paroi. Cette fresque est en effet tellement dépendante de la forme, de la surface disponible et des détails de la paroi, qu'il est impossible de l'envisager sans prendre en compte le bâti qui la reçoit.

Chaque fois aussi on a affaire à deux intentions bien distinctes : celle de réaliser une fresque dont le sujet occupera toute la surface libre et celle de peindre une femme. Non seulement ces deux intentions n'ont aucune relation l'une avec l'autre mais elles sont aussi incompatibles, puisque adapter la taille de la femme représentée à la dimension de la surface disponible conduit à peindre une géante, ce qui n'a rien à voir avec l'apparence normale d'une femme. Étant sans relation et même incompatibles, ces deux intentions s'ajoutent en 1+1. Autant l'intention de donner au sujet représenté la dimension de la surface disponible est en relation cohérente avec la production d'une fresque occupant toute cette surface, autant l'intention de faire de la représentation d'une femme le sujet de cette fresque reste en situation célibataire puisqu'elle n'est pas en relation avec la dimension disponible du bâti, lequel est bien trop grand pour accueillir une représentation de femme occupant toute sa surface, d'autant plus si elle est accroupie ou recroquevillée.

 

 

 


Nicolas K Feldmeyer : collage de cartes postales

 

Source de l'image : http://www.feldmeyer.ch/index.php?page=274

 

 

 

Pour observer le résultat de l'évolution de la 1re filière, nous passons directement à sa cinquième et dernière étape, d'abord avec un montage de cartes postales anciennes réalisé par l'artiste suisse Nicolas Feldmeyer (né en 1980). L'une de ces cartes postales représente la nef intérieure d'une église dont la partie correspondant au choeur a été découpée pour être remplacée par la vue d'une montagne extraite d'une seconde carte postale, et comme celle-ci a été basculée de 90° sa ligne d'horizon se retrouve à la verticale. Sans difficulté, on peut déclarer que le montage fabriqué par Nicolas Feldmeyer est du type 1/x : une image contenant deux images distinctes s’enchâssant parfaitement l'une dans l'autre.

Ce montage révèle deux intentions autonomes s'ajoutant donc en 1+1 : montrer une vue de l'intérieur d'une église présentée dans son sens normal + montrer la vue d'une montagne présentée dans un sens anormal. Ces deux intentions sont autonomes pour deux raisons : les sujets montrés sont sans relation et les choix du sens de présentation sont incompatibles.

Chacune des intentions est en relation spécifique avec l'une des deux images utilisées pour fabriquer le montage : l'intention de représenter l'intérieur d'une église vue dans son sens normal est exclusivement associée à la partie extérieure du montage, l'intention de représenter une montagne vue après rotation de 90° est exclusivement associée à sa partie intérieure. Aucune intention ne se retrouve donc en situation célibataire, et cela n'empêche pourtant pas que le caractère 1/x du montage fabriqué tout comme le caractère incompatible des deux intentions, et donc leur type 1+1, sont parfaitement présents dans cette œuvre qui relève, par conséquent, de la 1re ou de la 2e filière, en l’occurrence de la 1re.

 

 

 


Nicolas Party : Chat (2016)

 

Source de l'image : http://atpdiary.com/nicolas-party-antinori-art-project/

 

 

Comme second exemple pour la dernière étape de la 1re filière, la représentation d'un chat peint en 2016 par l'artiste suisse Nicolas Party (né en 1980). Ce tableau manifeste certainement l'intention de représenter un chat, mais c'est aussi un chat bizarre, étrange : un chat aux pattes raides, au corps aplati, au sommet de la tête étonnamment rectangulaire, au museau et aux yeux bizarrement concentrés, avec des plis nets au niveau du cou et au-dessus des pattes avant qui tranchent étrangement avec l'aspect lisse très excessif du reste de son corps. Puisque de tels détails anatomiques n'ont rien d'habituel pour un chat, qu'ils n'ont pas de rapport avec l'aspect normal d'un chat, on peut en dire qu'ils correspondent à l'intention de donner au chat un aspect bizarre et viennent s'ajouter en +1 à l'aspect normal d'un chat tel qu'il résulterait seulement de l'intention de représenter un chat. L'intention est donc ici du type 1+1 : l'intention de représenter un chat + l'intention de le munir de détails anatomiques bizarres lui donnant un aspect étrange.

Si l'on ne considère plus les intentions de l'artiste mais la façon dont il s'y est pris pour parvenir à les satisfaire, cette fois on peut dire que la représentation du chat qu'il a fabriquée relève du type 1/x : sa couleur uniforme et sa forme simplifiée, tout comme l'aplatissement de son volume, lui donnent un caractère très unifié lequel, par contraste, fait bien ressortir les divisions que constituent ses pattes, son flanc, son cou, sa tête, sa queue, ses oreilles, les plis de son cou et les plis au-dessus de sa patte avant. Dans le cas de la tête notamment, la simplification orthogonale de son contour l'unifie fortement en la rassemblant dans une forme bien nette, facilement lisible, tout en soulignant le caractère de coins, et donc de parties, que forment ses angles supérieurs d'où pointent les oreilles.

On a donc ici une image fabriquée pour qu'elle relève du type 1/x et deux intentions qui s'ajoutent en 1+1, et il se trouve que dans cette image c'est seulement l'exagération de l'aspect 1/x de la représentation du chat qui lui donne l'allure bizarre correspondant à l'intention de lui donner un aspect étrange, car c'est parce que ce chat est exagérément unitaire et exagérément divisé en parties identifiables séparément qu'il est bizarre. Ainsi, par exemple, dans un chat « normal », la patte avant n'a pas une forme aussi rigide et aussi simplifiée, donc aussi unitaire, et les poils d'un chat génèrent habituellement une transition plus progressive entre la forme de sa patte et celle du reste de son corps, de telle sorte que l'allure de ce membre en tant que partie distincte, presque séparable du corps global de l'animal, est moins accusée dans un chat normal que sur la représentation qu'en a fabriqué Nicolas Party.

Comme pour le collage des cartes postales de Nicolas Feldmeyer, toutes les intentions sont maintenant en relation avec l'aspect 1/x de l'image fabriquée, mais elles le sont cette fois de façon collective, chaque intention n'étant plus spécifiquement en relation avec l'une des parties de cette image.

 

 

 

L'évolution dans la 2e filière, dans laquelle PF est du type 1/x alors qu'i est du type 1+1 et que la tension entre les deux notions est de forte intensité :

 

 


Uttaporn Nimmalaikaew : Indistinctness of mood No.1 (2016)

 

Source de l'image : http://nimmalaikaew.com/index.php/2014-2016/nggallery/page/2

 

 

Premier exemple de la première étape de la 2e filière, une œuvre de l'artiste thaïlandais Uttaporn Nimmalaikaew (né en 1980). Elle représente une jeune femme dont le torse et le haut de la tête sont floutés, dont les cheveux et une partie du visage sont troués par d'importantes lacunes, et de très fins fils argentés flottent sur elle aléatoirement. Souvent Uttaporn Nimmalaikaew peint sur de fins tissus juxtaposés les uns sur les autres, ce qui est probablement ici à l'origine de l'effet de flou et de moiré que l'on observe sur la partie externe de l'image, seul le visage étant nettement rendu, du moins si l'on excepte les trous qui l'affectent à la verticale d'un œil et les fils argentés qui le parsèment. Cette différence entre le visage nettement dessiné et le reste du personnage flou ou déchiqueté correspond à la présence de deux intentions différentes. D'une part, il y a l'intention de représenter un personnage « normal », d'autre part, mais sur une partie seulement de l'image, il y a l'intention de le représenter de façon très dégradée, soit très flou, soit très déchiqueté, et même troué, soit bizarrement recouvert d'une poussière de fils argentés. Comme il n'y a aucun rapport, aucun lien logique, entre l'intention de représenter « normalement » un personnage et l'intention de dégrader son aspect, les intentions de l'artiste sont ici du type 1+1 : représenter normalement une grande partie du visage + représenter le reste du personnage déchiqueté, troué ou flou, voire affecté simultanément de plusieurs de ces anomalies.

Le portrait fabriqué est du type 1/x : un seul personnage fait de multiples parties bien tranchées, son visage, ses cheveux et son torse. Ce type 1/x est aussi celui de son traitement plastique : le visage correspond à une surface continue, donc unitaire, contenant les multiples détails des yeux, des sourcils, du nez et de la bouche, les cheveux forment une masse unitaire faite de multiples traits bien distincts les uns des autres, et du torse flou on peut dire qu'il est à la fois unitaire dans son aspect et divisé en multiples zones moirées de bleu clair isolant de multiples îlots bleu plus soutenu. Très normalement, le torse, le visage et la chevelure du personnage sont à leur place, et l'intention de représenter normalement ce personnage est donc en relation avec le portrait qui en a été fabriqué. Par contre, l'intention de dégrader son aspect n'est pas généralisée puisqu'elle ne concerne pas sa disposition générale ni la plupart des détails de son visage, ce qui implique que l'intention de dégrader la représentation n'est pas globalement en relation avec ce portrait mais vient seulement en parasiter certaines parties (sa périphérie) et certains aspects (le détail de son apparence, dans sa périphérie mais aussi pour quelques détails isolés de son visage). Cette relation seulement partielle de la représentation fabriquée par l'artiste avec son intention de dégradation est donc très différente des deux cas de figure que l'on a envisagés pour correspondre à la dernière étape de la 1re filière : dans le montage de cartes postales de Nicolas Feldmeyer chaque intention était en relation spécifique avec une partie spécifique de ce montage, soit sa partie centrale, soit sa partie périphérique, et dans le chat de Nicolas Party les deux intentions étaient en relation avec la totalité de la représentation. Ici, l'une des intention est en relation avec la totalité de l'image tandis que l'autre n'est en relation qu'avec une partie de celle-ci, ce qui implique qu'elle est en situation célibataire puisqu'elle n'est ni en relation exclusive avec une partie de l'image, ni en relation avec sa totalité.

 

 

 


Sascha Braunig : Saccades (2014)

 

Source de l'image : https://www.ngv.vic.gov.au/explore/collection/work/116274/

 

 

Toujours pour la première étape de la 2e filière, un tableau datant de 2014 de l'artiste canadienne Sascha Braunig (née en 1983) intitulé « Saccades ». Puisque cette image a été fabriquée pour ne comporter qu'une multitude de boules semblables, elle relève très clairement du type 1/x.

On peut déceler deux intentions concourant à sa fabrication, d'une part utiliser une trame de boules uniformes, d'autre part modeler cette trame et l'éclairer pour lui donner l'aspect schématique d'une tête humaine. Puisqu'une figure humaine normale ne se décompose pas en une multitude de boules de même taille, l'intention d'utiliser une telle trame de boules est tout à fait saugrenue, pour ne pas dire inadaptée. Comme il n'y a aucun rapport entre l'aspect d'une tête humaine (la continuité de sa peau, ses détails spécifiques plus ou moins fins, les modifications de sa texture à l'endroit des lèvres, des yeux ou des cheveux, ses modifications de couleur, etc.) et l'aspect d'une trame de boules toutes semblables, l'intention d'utiliser une trame aussi inadaptée vient évidemment en +1 par rapport à l'intention de figurer un visage.

L'intention d'utiliser une trame de boules identiques est bien en rapport avec le caractère 1/x de l'image fabriquée, mais l'intention d'utiliser cette trame pour en faire un visage humain n'a aucun rapport avec ce caractère et reste donc en situation célibataire. On peut même dire qu'il a fallu que l'artiste lutte contre l'aspect uniforme et très prégnant de cette trame de boules au caractère 1/x pour parvenir, malgré elle, à suggérer la présence d'un visage humain.

 

 

 


Christine Streuli : Liegende II (2014)

 

Source de l'image : https://www.monicadecardenas.com/christine-streuli-ickelackebana/

 

 

Comme premier exemple de la cinquième et dernière étape de la 2e filière, ce tableau de 2014 de la Suissesse Christine Streuli (née en 1975) intitulé « Liegende II ». Les intentions, ici, correspondent aux différents styles graphiques et aux différents coloris utilisés : parfois des sortes de coups de brosse très contrastés, parfois des rythmes réguliers, parfois des découpes qui évoquent un déferlement de vagues, parfois de simples rayures, parfois le style en « coup de brosse » utilise un coloris violet, parfois il utilise un coloris rouge, parfois il est en noir et blanc, parfois il combine deux coloris bleutés ou un coloris orangé et un coloris noir, etc. Il n'y a aucun motif dominant ni aucune organisation d'ensemble que l'on pourrait repérer et dont chaque motif formerait une partie distincte. Ces différents styles graphiques, parfois de différentes couleurs, s'ajoutent donc en 1+1 les uns à côté des autres.

Si l'on néglige l'autonomie d'allure ou de couleur de chaque morceau de cette peinture, on ne peut que conclure qu'elle est formée d'une multitude de parties indépendantes et que le principe d'autonomie de style pour chacun de ces morceaux ainsi que le choix systématique de coloris vifs lui donne une unité d'ensemble. En tant que peinture fabriquée, c'est-à-dire considérée seulement comme un assemblage de morceaux peints autonomes les uns des autres, elle relève donc du type 1/x : une œuvre globalement cohérente et visuellement équilibrée faite de multiples parties.

Comme il en allait avec les deux cartes postales assemblées par Nicolas Feldmeyer, chaque intention correspond spécifiquement à l'une des parties de cette œuvre : l'intention de présenter une trame de ronds verts sur fond orange correspond à une partie bien précise du tableau, l'intention de faire un effet de vague bleue tapissée par des motifs d'ancres de marine correspond à une autre partie bien précise, l'intention de faire de fines rayures noires sur fond jaune paille correspond à encore une autre partie bien précise, etc., aucune intention n'est donc laissée célibataire.

 

 

 


Christine Streuli : Crunch (2009)

 

Source de l'image : https://artfacts.net/artist/christine-streuli/18131

 

 

Second exemple pour la dernière étape de la 2e filière, une autre peinture réalisée par Christine Streuli. Il s'agit d'une toile qu'elle a intitulée « Crunch » et qui date de 2009. Comme dans l'exemple précédent, les différentes intentions correspondent aux différents styles graphiques utilisés. Par différence toutefois, ici ces styles très autonomes les uns des autres ne s'accumulent pas les uns à côté des autres, ils se superposent : dans une première couche on peut distinguer un fond irrégulier aux coloris principalement bleus et rouges violacés, cette couche est en partie cachée par des bandes blanches horizontales bordées et divisées par des arcs de cercle verts dans la partie haute et rouges dans la partie basse, par-dessus encore, une grande écriture noire fait des entortillements de différentes formes et en différentes épaisseurs, et enfin, par-dessus tout cela, des bandes de prismes orangés et rouges ou jaunes et orangés viennent s'encastrer exactement en limite des arrondis verts qui bordent les bandes blanches de la moitié supérieure du tableau.

Ces différents styles graphiques correspondent à une intention graphique chaque fois différente, ils s'additionnent les uns au-dessus des autres sans faire ensemble une grande forme ou en grand rythme qui pourrait les rassembler, ces intentions graphiques s'ajoutent donc les unes aux autres en 1+1.

En tant qu'image fabriquée, puisque ce tableau est une superposition, sur une même surface, de multiples couches graphiques, il relève du type 1/x.

Bien que les diverses intentions graphiques s'ajoutent en 1+1, chacune des couches superposées correspond à l'intention de faire valoir un style graphique particulier, si bien qu'aucune intention n'est laissée célibataire, c'est-à-dire sans qu'une des superpositions fabriquées ne lui soit attribuée en propre.

 

 

Conséquences de la différence de nature entre un produit fabriqué et une intention :

 

Les deux filières que nous allons maintenant aborder correspondent à une inversion des types 1/x et 1+1 entre les notions de produit-fabriqué et d'intention. Cette inversion symétrique des deux notions n'implique pourtant pas que les filières vont elles-mêmes fonctionner de manières symétriques. La cause de cette dissymétrie est qu'un produit fabriqué est une réalité concrète tandis qu'une intention n'a qu'un caractère abstrait.

 

 


Sascha Braunig : Saccades (2014)

 

Source de l'image : https://www.ngv.vic.gov.au/explore/collection/work/116274/

 

 

Pour comprendre l'implication de cette différence, on revient sur l'exemple de la tête humaine de Sascha Braunig réalisée à l'aide de boules identiques envisagée en première étape de la 2e filière.

Cette œuvre est fabriquée à l'aide d'une multitude de boules semblables, et comme la représentation de chaque boule résulte de la fabrication de l'artiste qui l'a peinte, la fabrication de l'ensemble de ce tableau relève du type 1/x. On a dit que deux intentions s'ajoutant en 1+1 y intervenaient, d'une part l'intention d'utiliser une trame de boules uniformes, d'autre part l'intention de modeler cette trame et de l'éclairer de façon à lui donner l'aspect schématique d'une tête humaine. La présence concrète de la multitude des boules résulte entièrement de la première de ces deux intentions, tandis que la seconde intention n'implique l'apport d'aucun produit fabriqué supplémentaire : elle se contente de modifier la position et l'éclairage des boules déjà présentes du fait de la première intention. En un sens, on peut dire que la deuxième intention s'exerce donc toute seule, sans être en rapport avec la présence de produits fabriqués qui lui soient spécifiques, et c'est ce qui nous a d'ailleurs fait dire qu'elle était en situation célibataire.

Dans les 3e et 4e filières que nous allons maintenant aborder, les produits fabriqués seront du type 1+1, ce qui impliquera nécessairement une intention spécifique pour mettre en œuvre l'un de ces produits, une autre intention spécifique pour en mettre en œuvre un second, et autant d'intentions spécifiques supplémentaires qu'il y aura d'autres produits fabriqués supplémentaires. Dans le cas de l'exemple « Saccades », on a vu que la deuxième intention s'invitait toute seule dans le tableau, sans être accompagnée d'un produit fabriqué spécifique, ce qui ne sera plus possible dans les 3e et 4e filières dès lors qu'un produit fabriqué ne peut jamais s'inviter tout seul, c'est-à-dire sans correspondre à une intention spécifique d'utiliser ce produit fabriqué-là. Par conséquent, non seulement un produit fabriqué est quelque chose de concret par différence avec une intention qui est par nature abstraite, mais il faut ajouter qu'un produit fabriqué est toujours accompagné d'une intention, l'intention de le fabriquer et de l'utiliser, alors qu'une intention, parce qu'elle est abstraite, peut parfaitement se passer d'un produit fabriqué spécialement dédié et se contenter d'utiliser, pour se manifester, un produit fabriqué venu pour correspondre à une autre intention.

Dès lors, on comprend facilement qu'un produit fabriqué ne pourra pas être considéré « en situation célibataire » dans les 3e et 4e filières au seul motif qu'il n'est en relation avec aucune intention puisque, précisément, il sera toujours en relation avec au moins une intention, celle de le rendre présent dans l'œuvre.

Il est aussi nécessaire d'examiner un autre aspect de la différence entre produit fabriqué et intention. Toujours dans l'exemple « Saccades », chaque boule représente une fraction de l'œuvre fabriquée complète et, si l'on suppose qu'il y a 100 boules en tout, on peut dire que chaque boule représente alors 1 % de l'œuvre fabriquée, soit 0,01 partie de l'œuvre fabriquée. Parce qu'il s'agit d'une réalité concrète, une œuvre fabriquée peut être ainsi divisée en parties, chaque partie représentant une fraction de produit fabriqué, mais il n'en va pas de même pour une abstraction comme une intention. Il ne peut pas exister quelque chose qui soit 0,01 intention, la quantité minimale d'intention que l'on peut avoir est 1 et le nombre d'intentions en cause dans une œuvre est toujours nécessairement un nombre entier. En fait, dans les 3e et 4e filières on trouvera un nombre d'intentions égal au nombre des produits fabriqués ajoutés les uns aux autres en 1+1, et par-dessus ces x intentions différentes, il existera en plus une intention globale pour correspondre à la mise ensemble de ces x produits fabriqués dans l'œuvre, et donc aux x intentions qui leur seront associées. C'est évidemment la relation existant entre cette intention globale et les x intentions incluses en elle qui donnera à la notion d'intention son caractère 1/x.

Après ces remarques préalables, on peut maintenant annoncer d'où proviendra la situation « célibataire » d'un produit fabriqué dans les 3e et 4e filières : elle résultera du fait qu'il ne sera pas associé avec une intention relevant de l'aspect principal de l'œuvre, et donc de son intention principale, mais avec une intention secondaire, annexe. Car en effet, s'il ne peut exister d'intention décimale, inférieure à un, il peut exister des intentions en situation minorée, ou reléguée, et c'est cette possibilité qui sera utilisée dans les 3e et 4e filières pour mettre en situation célibataire un ou plusieurs des produits fabriqués contenus dans une œuvre. Avec le premier exemple qui sera maintenant donné (Figures from the past), on comprendra mieux ce que cela veut dire.

 

 

 

L'évolution dans la 3e filière, dans laquelle PF est du type 1+1 alors qu'i est du type 1/x et que la tension entre les deux notions est de faible intensité :

 

 


Uttaporn Nimmalaikaew : Figures from the past (2014)

 

Source de l'image : https://vsemart.com/hologram-painting-uttaporn-nimmalaikaew/

 

 

Pour un premier exemple de la première étape de la 3e filière, on retrouve l'artiste thaïlandais Uttaporn Nimmalaikaew avec une œuvre de 2014 : « Figures from the past ». Elle comporte deux éléments complètement étrangers l'un pour l'autre, d'une part la représentation d'une jeune femme, d'autre part une espèce de nuage de gribouillis blancs qui recouvre presque toute la surface en se répandant même par-dessus la jeune femme. Puisque ces deux parties sont de natures autonomes et qu'elles ne font rien ensemble de compréhensible, elles s'ajoutent l'une à l'autre ou, plus précisément, le nuage de gribouillis s'ajoute par-dessus l'image de la jeune femme. En tant que produit fabriqué, cette œuvre est donc du type 1+1.

L'une des intentions de l'artiste a été de représenter une jeune femme, une autre a été de dessiner un gribouillis, et son intention globale a été de générer un effet d'étrangeté, de bizarrerie, à l'occasion de la réunion de ces deux éléments qui ne font rien ensemble. Son intention est donc ici du type 1/x puisqu'elle regroupe, dans une même intention globale d'étrangeté, deux intentions correspondant chacune à l'un des deux produits fabriqués qui s'ajoutent en 1+1. Dans cette image, seul le gribouillis de tracés blancs est à l'origine de l'effet d'étrangeté, car on ne sait pas à quoi il peut bien correspondre. La représentation de la jeune femme n'a rien de bizarre ou d'étrange, et seule la partie de l'image qui correspond au gribouillis est donc en relation avec l'intention d'étrangeté qui est l'intention globale à l'origine de ce tableau. La partie de l'image qui représente la jeune femme est donc en situation célibataire puisqu'elle n'est portée que par une intention secondaire, subordonnée, puisqu'elle n'est là que pour faire valoir, par contraste, l'aspect bizarre du gribouillis qui lui est ajouté.

 

Certes, dans l'absolu, on aurait pu dire aussi bien que cette œuvre correspond à deux intentions différentes s'ajoutant en 1+1, d'une part l'intention de dessiner un gribouillis blanc, d'autre part l'intention de représenter une jeune femme. Toutefois, comme ce gribouillis et cette représentation de femme ont des natures trop différentes pour être perçus comme un couple d'éléments fabriqués générant ensemble une fabrication globale de plus grande échelle, on se retrouverait alors dans la situation où la notion d'intention et la notion de produit-fabriqué seraient tous les deux du type 1+1, ce qui n'est pas envisageable puisque la 10e période a permis une maturité suffisante pour éliminer ce type de situation.

En fait, pour savoir si l'intention est du type 1+1 ou du type 1/x, le plus commode est de se concentrer d'abord sur la notion de produit-fabriqué et d'en déduire, par différence, le type qui correspond à l'intention. On pourrait critiquer cette façon de procéder puisqu'elle s'appuie sur le présupposé que l'œuvre relève de la 11e période alors que, si on la classait dans la phase d'émergence précédente, il serait possible de l'attribuer à sa 1re filière. Toutefois, le classement d'un artiste dans une phase ou une autre ne s'appuie pas sur l'analyse d'une seule de ses œuvres mais sur son ensemble. Dans le cas d'Uttaporn Nimmalaikaew, il a produit de nombreuses œuvres qui relèvent certainement de la 11e période, telle que celle qui va maintenant nous servir de second exemple.

 

 

 


Uttaporn Nimmalaikaew : Peinture sur multiples voiles décalés (2016)

 

Source de l'image : https://art4d.com/utta16

 

 

Comme second exemple de la première étape de la 3e filière on retrouve donc Uttaporn Nimmalaikaew, avec une œuvre peinte sur plusieurs tissus transparents séparés les uns des autres dans la profondeur de telle sorte que la femme représentée semble dédoublée. Ces deux images semblables, fabriquées sur des supports différents et représentant la même femme, se gênent mutuellement, elles ne font pas ensemble une même image bien lisible dont chacune ne serait qu'une partie, elles s'ajoutent donc l'une à l'autre en 1+1 images fabriquées.

On trouve ici deux fois l'intention de représenter la même jeune femme assise derrière une table, et nécessairement on y trouve aussi l'intention globale de regrouper ces deux représentations dans une même œuvre en les décalant un peu l'une de l'autre afin de générer une image brouillée. Une intention qui en regroupe deux autres, c'est une intention de type 1/x.

Seul l'ajout d'une seconde image décalée s'accorde avec l'intention globale de réaliser une image brouillée, car l'autre image serait bien lisible si elle était seule, et elle n'impliquerait pas alors cette intention. Peu importe que ce soit l'image de gauche ou l'image de droite qui est en trop, dans tous les cas il y en a une qui est sans relation avec l'intention de brouiller l'image par l'ajout d'une seconde représentation décalée de la jeune femme. L'image peinte de la première femme est par conséquent en situation célibataire.

 

 

 


Christine Streuli : au Kunstmuseum Luzern en 2013

 

Source de l'image : http://www.davidaebi.ch/2495687/christine_streuli_luzern

 

 

Pour un premier exemple de la dernière étape de la 3e filière, on retrouve Christine Streuli avec une installation qu'elle a réalisée en 2013 au Kunstmuseum Luzern. Cette œuvre comporte deux parties bien distinctes : un tableau apparemment réalisé en atelier, et des graphismes faits à même le mur du musée et cernant ce tableau. Le tableau et les graphismes faits sur place correspondent à des principes de fabrication autonomes l'un de l'autre, en tant que produits fabriqués ils s'ajoutent donc en 1+1. Plus précisément, on peut dire que ce sont les graphismes faits à même le mur qui s'ajoutent en +1 au tableau préalablement réalisé en atelier.

L'intention de l'artiste, toutefois, a été de faire en sorte qu'on relie visuellement ces deux productions, celle faite en atelier et celle faite sur place, et pour cela elle a utilisé des graphismes similaires sur les deux parties, l'un des graphismes étant même identique dans les deux cas, une fois sur la bordure gauche du tableau, qui d'ailleurs le coupe, et une autre fois immédiatement à sa gauche. Dans le même esprit, la peinture à la bombe réalisée à gauche du tableau et sur ses bordures hautes et basses passe progressivement du jaune au rouge tout comme le fond du tableau passe progressivement du jaune au rouge depuis le haut vers le bas. L'intention de donner une unité d'ensemble à l'installation s'accompagne toutefois de l'intention de traiter différemment ses deux parties : la couleur des dessins faits sur le mur « bave » davantage que celle des dessins du tableau, et certains n'ont même aucun détail interne, étant réduits à des silhouettes rouge ou orange homogènes. En outre, les bandes régulières de ronds qui recouvrent toute la surface du tableau sont complètement absentes de la surface du mur.

En résumé : on a là l'intention de traiter dans le même style le tableau fait en atelier et les graphismes faits sur place, et cette intention s'accompagne de l'intention d'utiliser ce style de deux façons sensiblement différentes. On ne peut dire laquelle de ces intentions est la plus importante, toutes les deux étant amalgamées dans l'intention globale de réunir les deux parties de l'oeuvre de telle sorte qu'elles apparaissent simultanément cohérentes entre elles et différentes l'une de l'autre, ce qui correspond à une intention du type 1/x.

Par différence avec les exemples précédents d'Uttaporn Nimmalaikaew, chaque partie fabriquée pour réaliser cette œuvre est maintenant en relation avec l'intention principale de l'artiste, celle de donner à l'oeuvre un caractère unitaire en traitant ses différentes parties, bien que dissemblables, avec le même type de graphisme. Il n'y a plus ainsi aucune partie de l'image fabriquée qui reste célibataire, comme il convient pour la dernière étape de cette filière.

 

 

 


Nicolas Party : au Modern Institute , Art Basel Miami Beach (2011)

 

Source de l'image : http://www.contemporaryartdaily.com/2011/12/miami-the-modern-institute-at-art-basel-miami-beach/

 

 

Pour un second exemple de la dernière étape de la 3e filière, une autre installation faite dans une galerie combinant des peintures réalisées à même le mur avec des tableaux réalisés en atelier. Cette fois, il s'agit d'une installation de Nicolas Party à Miami Beach, en 2011. Encore plus aisément qu'avec l'installation de Christine Streuli du Kunstmuseum Luzern, on repère clairement qu'il y a deux types d'images fabriquées différemment. Des formes en amande très colorées sont peintes à même les murs, sans aucune régularité de direction ni de couleur, mais selon une densité très uniforme sur toute la surface. Par ailleurs, des cadres réalisés en atelier sont accrochés sur les murs, bien alignés horizontalement et selon un rythme d'espacement très régulier, chacun cerné de noir et avec une petite image en noir et blanc en son centre. Bien qu'ils n'empêchent pas de repérer la régularité de la densité des formes en amande colorées, les tableaux accrochés au mur en masquent cependant une partie et s'ajoutent donc en +1 sur ce fond coloré. En 1+1 parce qu'ils détruisent en partie ces formes en amande, mais aussi parce qu'ils correspondent à des graphismes sans relation avec celui des formes en amande.

L'intention de l'artiste a été de donner à chacune des deux parties de son œuvre un rythme régulier, densité uniforme pour l'une, alignement et espacements uniformes pour l'autre, cela afin qu'elles aient quelque chose en commun et que l'on puisse ainsi repérer une unité entre elles malgré leur dissemblance de style. Mais elle a aussi consisté à les rendre très dissemblables afin qu'on les distingue bien l'une de l'autre. Globalement, son intention relève donc du type 1/x puisqu'il s'agit d'une intention ayant deux aspects distincts, régularité pour l'un de ses aspects, dissemblance pour l'autre. Accessoirement, elle a aussi consisté à faire en sorte que la présence des tableaux ne masque pas trop les formes colorées peintes sur le mur afin que l'on puisse bien repérer la coexistence de ces deux parties.

On ne saurait dire qu'elle est ici l'intention principale, celle de donner un effet de régularité aux deux graphismes ou celle de les différencier, mais de chacune des deux parties différemment fabriquées, l'une sur place et l'autre en atelier, on peut dire qu'elle est en relation avec chacune de ces deux intentions et qu'elle n'est donc pas en situation célibataire.

 

 

 

L'évolution dans la 4e filière, dans laquelle PF est du type 1+1 alors qu'i est du type 1/x et que la tension entre les deux notions est de forte intensité :

 

 


Ardan Özmenoglu : Platanus orientalis (2008)

 

Source de l'image : http://ardanozmenoglu.net/works/platanus-orientalis/

 

 

Comme premier exemple de la première étape de la 4e filière, un procédé utilisé à plusieurs reprises par Ardan Özmenoglu qui consiste à réaliser une peinture en la décomposant en plusieurs couches réparties sur des vitres décalées les unes des autres. L'exemple que l'on donne date de 2008, elle l'a dénommé « Platanus orientalis » puisqu'il s'agit d'un arbre qui est ainsi représenté. Les différents verres peints sont montés sur des socles en bois qui permettent d'ajouter ces verres en 1+1 tout en les décalant l'un de l'autre.

Bien entendu, l'intention de l'artiste a été que l'on puisse regrouper ces multiples couches de peinture décalées en une seule vision (type 1/x), celle qui nous permet de reconnaître l'image d'un arbre et que l'on obtient en se plaçant dans une direction à peu près perpendiculaire au plan des verres. Si chaque couche de peinture est bien en relation avec l'intention de produire l'image d'un arbre, il n'en va pas de même pour les différents verres et leurs supports en bois qui ne sont là qu'à titre accessoire, pour permettre aux peintures de « tenir en l'air » : ces parties de l'œuvre fabriquée restent donc célibataires.

 

 

 


Uttaporn Nimmalaikaew (vers 2006)

 

Source de l'image : http://nimmalaikaew.com/index.php/2005-2007/nggallery/page/1

 

 

Comme second exemple pour la première étape de la 4e filière, une œuvre d'Uttaporn Nimmalaikaew dans laquelle l'image réalisée est dissociée de son support : certaines des trames verticales qui interviennent dans l'œuvre sont tellement séparées du plan de l'image qu'elles passent au-devant de lui et sont recueillies dans un tiroir situé en dessous. Ces trames ne sont pourtant pas étrangères à l'image puisqu'elles se continuent en partie haute pour donner l'aspect rayé de son fond, et puisqu'elles changent parfois de couleur au moment où elles passent devant le personnage ce qui implique qu'elles contribuent à la lisibilité de l'image. Ainsi, la couleur des fils passe du rouge au blanc en franchissant le contour de l'épaule, des bras ou d'un genou, tandis que d'autres surgissent à l'endroit même où le bas de la jambe droite sort du vêtement. Globalement toutefois, cette trame de fils s'ajoute à l'avant de l'image, n'y est donc pas intégrée, et la plupart du temps elle gêne sa lisibilité : ces fils s'ajoutent en 1+1 à l'image de la femme représentée.

L'intention principale de l'œuvre consiste à représenter une femme assise « mal visible ». Elle intègre l'intention de représenter une femme, et d'autre part l'intention d'en gâcher la visibilité par une trame de fils colorés, c'est une intention du type 1/x. Bien entendu, ce sont les fils qui passent devant l'image et tombent dans le tiroir qui constituent la partie fabriquée de l'œuvre en relation avec l'intention principale. L'image de la femme n'est là qu'à titre accessoire, pour donner « quelque chose à cacher quelque peu », c'est donc elle qui est en situation célibataire.

 

 

 


Nicolas Feldmeyer : Still Reverberations (2017)

 

Source de l'image : http://www.feldmeyer.ch/index.php?page=283

 

 

Comme premier exemple de la dernière étape de la même 4e filière, nous retrouvons Nicolas Feldmeyer avec une installation qu'il a réalisée en 2017 dans une galerie de Londres et intitulée « Still Reverberations » (Réverbérations Immobiles). Elle consiste en des tentures plus ou moins transparentes installées parallèlement ou perpendiculairement, de telle sorte que leurs opacités respectives s'ajoutent ou ne s'ajoutent pas les unes aux autres selon l'endroit où l'on se place à l'intérieur du cloisonnement qu'elles génèrent. Ces voiles plus ou moins opaques ne font rien ensemble au total, ils forment seulement une série de voiles semi-transparents qui s'ajoutent en 1+1 à l'intérieur de la pièce.

L'intention globale est d'utiliser ces voiles pour produire des effets de dégradés qui vont du plus transparent au plus opaque, la vision de plusieurs voiles les uns derrière les autres permettant d'accumuler localement des opacités. Cette intention de produire des effets de dégradé est obtenue par le regroupement de plusieurs intentions, chacune correspondant à l'intention de disposer l'un de ces voiles à telle ou telle position et à l'intention de lui procurer tel ou tel degré d'opacité sur telle ou telle partie de sa surface, il s'agit donc d'une intention du type 1/x.

On a dit que les voiles fabriqués s'ajoutaient en 1+1 les uns devant les autres. Mais il se trouve aussi que, par transparence, leur addition génère la vision de surfaces en dégradé, un morceau de surface très sombre étant, par exemple, partiellement cerné par une surface moins sombre, elle-même partiellement recoupée par une surface encore plus claire ou au contraire plus sombre, etc. Chaque image aux tons dégradés est donc générée par la superposition de plusieurs voiles, et puisque cette image est faite de plusieurs surfaces superposées, elle relève du type 1/x. Ces voiles s'ajoutent en 1+1 les uns à côté des autres, mais ils génèrent des images qu'on lit comme des images 1/x : on est bien à la dernière étape où les produits fabriqués en 1+1 peuvent aussi se lire en 1/x.

Le fait que l'on soit désormais à la dernière étape se lit aussi dans la relation directe qui existe entre chaque voile fabriqué et l'intention globale de produire des effets de dégradé, puisque chaque voile participe entièrement à ce type d'effet, aussi bien dans ses parties externes les plus claires que dans ses parties internes les plus sombres. Cette fabrication de voiles aux teintes dégradées utilisés avec l'intention de produire un effet global de dégradé leur permet d'échapper à la situation des verres peints d'Ardan Özmenoglu que l'on avait vus à la première étape. Alors, l'intention résidait seulement dans la représentation d'un arbre, ce qui laissait aux verres qui portaient cette représentation le rôle accessoire de simples supports. Ici, la distinction entre support et représentation n'a pas de sens puisque c'est le support lui-même qui provoque l'effet de dégradé, et en conséquence rien de l'œuvre réalisée n'est laissé en situation célibataire par rapport à l'intention principale.

 

 

 


Nicolas Party : Landscape (2014)

 

Source de l'image : Vitamin P3 aux Éditions Phaidon

 

 

Pour finir, un second exemple relevant de la même dernière étape de la 4e filière. On retrouve Nicolas Party avec un tableau de 2014 qu'il a intitulé « Landscape » (Paysage). Il se décompose clairement en deux parties fabriquées de façons très indépendantes l'une de l'autre, l'une est un grand tableau rectangulaire horizontal représentant en noir et blanc une femme nue, l'autre est un tableau rectangulaire vertical beaucoup plus petit, réalisé en couleur et représentant de façon schématique un paysage de rochers. Ce petit tableau est ajouté par-dessus le grand, il n'est pas réalisé dans le même style puisqu'il est en couleurs, il représente quelque chose qui n'a rien à voir avec le personnage qu'il cache partiellement, et son coloris vif tranche brutalement avec le noir et blanc du grand tableau. Bref, les deux tableaux ne font rien ensemble et le petit s'ajoute par-dessus le grand en 1+1.

Si les deux tableaux superposés représentent des sujets et des styles graphiques sans rapport l'un avec l'autre, leurs formes semblent toutefois se coordonner : les fesses de la femme semblent vaguement se poursuivre dans le massif rocheux de gauche, et le massif rocheux de droite semble continuer parfaitement l'arrondi du torse et des épaules de la femme. La coïncidence des formes est telle que, si l'on regarde globalement l'assemblage des deux tableaux, le corps de la femme semble coupé en deux à l'endroit même du passage qui s'ouvre entre les deux massifs de rochers. Cette coïncidence a évidemment été voulue par le peintre, elle correspond à son intention de fournir une occasion de synchroniser son tableau en noir et blanc représentant une femme et résultant d'une première intention avec son tableau en couleur représentant des rochers et résultant d'une autre intention. Son intention globale de synchroniser ses deux intentions est évidemment du type 1/x.

Puisque l'intention était de faire une œuvre rassemblant deux tableaux qui semblent se compléter malgré l'autonomie de leurs intentions concernant leur thème et leur mise en couleur, chacun des tableaux est en relation avec l'intention globale de les synchroniser et aucun n'est laissé en situation célibataire.

 

 

Récapitulatif et thème de chacune des quatre filières :

 

À la première étape de toutes les filières on a donc vu que la notion qui y est du type 1+1 a au moins l'un de ses aspects qui reste célibataire, c'est-à-dire qui reste à former un grumeau qui empêche de lire une mise en relation cohérente de tous les aspects de l'œuvre. À leur dernière étape, on a vu que ce caractère 1+1 de l'une des notions n'empêchait pas tous ses aspects d'être en relation avec l'un des aspects ou avec tous les aspects de l'autre notion, laquelle est toujours du type 1/x.

Même si l'on n'a pas envisagé ici le déroulé de toutes les étapes des filières, on peut indiquer le thème de chacune.

 

Le thème de la 1re filière :

 

On peut caractériser cette filière en disant qu'elle est spécialisée dans l'organisation de contrastes internes dans l'œuvre fabriquée. Par organisation de contrastes internes, il faut entendre, par exemple, sa décomposition en parties « normales » et parties « anormales », ou bien des relations d'étrangeté ou de bizarrerie entre ses différentes parties.

Ainsi, on a vu les façades de machines à laver d'Ardan Özmenoğlu comporter des parties normalement représentées et des parties à la représentation gravement dégradée. On a vu aussi un collage de cartes postales de Nicolas Feldmeyer dont le thème et l'orientation sont incompatibles l'une pour l'autre, des « Colosses » d'Ella & Pitr peints sur une toiture et sur un mur dans une taille en principe incompatible avec celle de leur support, et le chat de Nicolas Party dont on ne peut éviter de remarquer qu'il comporte des parties très bizarres.

 

Le thème de la 2e filière :

 

Le thème de cette filière concerne cette fois la relation entre la fabrication de l'œuvre et son apparence, par exemple sa décomposition en parties « finies » et en parties qui ont été utiles à la fabrication. Dans tous les cas la matérialité de sa fabrication est un élément essentiel, et tout spécialement la nature du matériau utilisé.

Ainsi, on a vu la division du buste de jeune femme peint par Uttaporn Nimmalaikaew entre parties bien peintes et parties « mal fabriquées », la difficulté que s'était imposée Sascha Braunig en représentant un visage humain à l'aide d'une multitude de boules de même dimension, et les combinaisons de formes réussies par Christine Streuli malgré l'hétérogénéité de ces formes.

 

En passant de la 1re filière à la 2e, leurs thèmes respectifs nous ont donc fait passer de l'organisation de contrastes apparents dans l'œuvre réalisée au détail de sa fabrication. C'est un peu comme  si on avait adopté un microscope plus puissant dans la 2e filière afin de dépasser l'aspect apparent des choses pour les observer davantage dans le détail de leur fabrication, ce qui correspond bien à une énergie plus forte des effets dans la 2e filière que dans la 1re ainsi qu'on l'avait suggéré pour différencier ces deux filières.

Dans les deux premières filières, la notion de produit-fabriqué est du type 1/x, ce qui implique qu'elle bénéficie d'une puissance unitaire, alors que la notion d'intention, du type 1+1, est morcelée en intentions indépendantes et donc incapable d'avoir la même force d'impact que l'autre notion. Il n'est donc pas étonnant que ce soit l'aspect apparent de l'œuvre fabriquée (1re filière) puis sa constitution interne liée à sa fabrication (2e filière) qui correspondent aux thèmes de ces filières. Dans les deux autres filières, c'est la notion d'intention qui bénéficiera de la puissance unitaire et qui sera donc à l'origine des thèmes suivants.

 

Le thème de la 3e filière :

 

Le thème de cette filière consiste à regrouper des fabrications diverses qui ne feraient rien ensemble sans l'intention de les regrouper.

Ainsi, on a vu le rassemblement insignifiant d'une représentation de femme et d'un gribouillis réalisé par Uttaporn Nimmalaikaew, du même artiste le regroupement de deux représentations de femme qui se nuisent réciproquement, chez Nicolas Party et Christine Streuli le regroupement de tableaux réalisés en atelier et de peintures réalisées sur les murs mêmes de leur exposition.

 

Le thème de la 4e filière :

 

Pour décrire le thème de la 4e filière, on peut dire qu'il consiste cette fois à explorer la relation entre l'œuvre fabriquée et son support.

Ainsi, on a vu les différents verres décalés d'Ardan Özmenoglu portés par des poutres en bois qui servaient de support à l'intention de représenter un arbre, et c'était l'ensemble de ces supports qui était en situation célibataire car il n'était pas en relation avec l'intention globale de l'œuvre.

Mais ce peut aussi être une partie de l'œuvre qui sert de support aux parties en situation célibataires ou, à l'inverse, aux parties qui sont en relation avec l'intention principale. Ainsi la femme représentée par Uttaporn Nimmalaikaew qui porte la trame des fils échappés du tableau.

La dernière étape de cette filière correspond à la fin de cette dichotomie entre support et œuvre portée par le support, comme on l'a vu avec une installation de Nicolas Feldmeyer où les différents supports décalés sont en eux-mêmes ce qui fait l'œuvre. Chez Nicolas Party, c'est la simple coïncidence de disposition entre la peinture noire support et la peinture colorée qu'elle porte qui permet la mise en relation des deux productions.

 

Entre la 3e et la 4e filière, on constate donc le même type d'approfondissement du dialogue entre les deux notions en cause, l'intention se contentant de rassembler anormalement diverses fabrications dans la 3e filière, puis creusant plus profond cette question du rassemblement dans la 4e filière en soulignant la façon dont l'intention produit ce rassemblement au moyen d'un support spécialement adapté.

 

(dernière version de ce texte : 2 février 2023) - Suite : l'architecture de la 11e période