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paradoxe 3

 
cycle du noeud
phase de l'organisation - paradoxe 2
 
 
l'appariement des tourbillons de même sens
Société dans la 1ère moitié du XXème siècle
 
 
 
 
         En augmentant les différences de vitesse dans le fluide dont nous suivons l'évolution, à l'étape précédente nous avons forcé ses tourbillons en spirale à s'isoler les uns des autres et à se transformer en tourbillons ronds. Ils tournent maintenant isolément sur eux-mêmes, et une dynamique continue passe entre eux, les relie et les relance sans arrêt è [rappel dans une autre fenêtre].
         En séparant les noyaux les uns des autres, la dynamique a renforcé le processus de coupure qui s'était déjà amorcé entre chacune des spirales alternées de l'allée de von Karman è [rappel dans une autre fenêtre]. Lorsque la force du courant va augmenter à nouveau d'un cran, on pourrait s'attendre à ce que ce processus de coupure s'aggrave encore. Contrairement à cette attente, l'accélération du tourbillonnement ne va pas amener ces noyaux à se couper davantage les uns des autres, mais à l'inverse elle va provoquer leur regroupement. Nous avions déjà vu quelque chose d'équivalent au cours de la phase précédente : quand le fluide avait dû quitter son écoulement laminaire pour briser ses couches et les encastrer les unes dans les autres. En effet, à ce début de désordre n'avait pas succédé un désordre plus complet, mais au contraire les classements browniens et laminaires avaient profité de ce mélange forcé pour trouver dans la forme en spirale un plus haut degré de combinaison régulière et synchronisée.
         Comment se produit l'inversion de tendance, qui relance cette fois le groupement au détriment de la coupure ? Le moyen de cette inversion est l'indépendance qu'ont pris les noyaux tourbillonnants : ils peuvent maintenant se déplacer dans la masse fluide sans que l'équilibre dynamique n'en soit affecté, alors que les spirales d'une allée de von Karman devaient rester strictement et rigidement liées l'une à l'autre. Lorsque le flux doit encore augmenter, la dynamique d'ensemble peut maintenant déplacer si besoin les noyaux les uns par rapport aux autres. Il est inutile par exemple que telle ou telle partie du fluide soit contrainte à faire un grand tour pour contourner quelques noyaux mal placés, si elle peut s'arranger pour les décaler et passer entre eux au plus court. Il y a toujours deux façons de s'adapter à une accélération : soit on va plus vite, soit on se débrouille pour avoir moins de chemin à faire, ce qui permet de réduire d'autant la vitesse. C'est cette deuxième solution que va chercher à exploiter notre fluide, car ses parcelles ont atteint la vitesse maximale que le fluide peut supporter, mais il peut encore se débrouiller pour raccourcir ses parcours internes puisque, maintenant, les tourbillons veulent bien se déplacer les uns par rapport aux autres.
         Du fait de ces déplacements, il arrivera que des tourbillons qui tournent dans le même sens se rapprocheront. Ce sera l’occasion d’organiser de plus gros « moteurs » de tourbillonnement puisque, lorsqu’ils se rapprocheront l’un de l’autre, ils auront tendance, chacun, à entraîner l’autre dans leur propre mouvement, et donc à tourner l’un autour de l’autre. Pour illustrer l’étape précédente, celle de la formation des tourbillons ronds, nous avions donné l’exemple d’une simulation de fluide turbulent è [rappel dans une autre fenêtre].
         Nous donnons maintenant è [autre fenêtre] une vue plus large de cette même simulation, dans laquelle on reconnaît, au centre, le tourbillon précédemment envisagé en train de s’isoler au sein du magma visqueux, mais dans lequel on peut également voir, à sa droite, un couple de tourbillons de même sens (dans leur cas, le sens inverse des aiguilles d’une montre) qui s’accrochent l'un à l'autre et qui tournent l’un autour de l’autre.
         Dans l’image et son schéma simplifié ci-dessous, on a isolé ce couple de tourbillons appariés :
 
 
appariement de tourbillons de même sens de rotation dans une simulation numérique de turbulence bidimensionnelle
[d'après un cliché M. Farge (Paris), extrait de "La Turbulence" de Marcel Lesieur aux Presses Universitaires de Grenoble]

         Comme on le voit sur ces images, du fait que le côté de chaque tourbillon qui est proche de son voisin tourne plus vite que le côté qui en est éloigné, cet appariement génère des « queues de vorticité ».
         On souligne cet aspect, car ces queues vont servir, au stade suivant de la dynamique, à envelopper ensemble des tourbillons qui tourneront, cette fois, dans des sens opposés. Sur l’extrémité droite de l’image globale de la simulation, on voit ainsi s’amorcer cet englobement, par la queue de vorticité du tourbillon bleu de gauche, d’un tourbillon rouge (couleur conventionnelle pour la simulation, signalant un sens de rotation inverse à celui des tourbillons appariés de couleur bleue). On reviendra sur cet aspect lors de l’analyse de l’étape suivante de l’organisation de la dynamique.
         Dans cet exemple, les tourbillons sont appariés en couple, mais rien n’empêche, sur le principe, que trois ou davantage de tourbillons soient ainsi associés, selon la nature plus ou moins visqueuse du fluide considéré. Ce qu’il importe par contre de considérer comme une constante, c’est le fait que, pour qu'il s'agisse de tourbillons appariés, chacun doit conserver son individualité, c'est-à-dire que chacun doit continuer à rester séparément apparent en tant que tourbillon. Autrement, il ne s’agirait pas d’un appariement, mais d’une fusion.
         On pourra trouver des développements et des illustrations sur cette formation de tourbillons appariés dans l’ouvrage de Marcel LESIEUR, « la Turbulence », aux Presses Universitaires de Grenoble(1994).
         [nota : on peut trouver une présentation de ce nouveau phénomène physique dans l'analyse du 4ème paradoxe de la rosace gothique de Laon dans la très brève histoire de l'art]
 
 
 
Qu'y a-t-il de paradoxal dans la dynamique des tourbillons identiques appariés ?
 
         Puisque, dans un couple de tourbillons appariés, chacun conserve son individualité et que tous les deux tournent dans le même sens, on a donc affaire à deux tourbillons identiques.
         Ces tourbillons sont donc les mêmes, au sens où ils sont identiques, tandis que, dans le même temps, ils forment un couple de deux tourbillons qui restent différents l’un de l’autre, au sens de séparés l’un de l’autre, distinguables l'un de l'autre.
         À la fois mêmes et différents, les tourbillons appariés mettent en jeu un paradoxe que l’on appellera, par conséquent, celui du même / différent.
 
         Pour un phénomène physique, cette situation n’est pas si banale qu’il peut y paraître, car on pourrait s’attendre à ce que de tels tourbillons identiques fusionnent simplement et directement pour en faire un plus gros. Le fait qu’ils restent deux tourbillons « différents » manifeste l’aspect paradoxal qui résiste et qui évite cette fusion.
         Dans le cas des êtres humains on comprendra mieux tout l’enjeu de cette situation, puisque l’identité personnelle est pour nous une quête essentielle, de telle sorte que la question des « différents mêmes », c’est-à-dire des clones, soulève, en conséquence, des enjeux importants.

 
 
Une société même / différente
 
         En décrivant la formation des appariements de tourbillons de même sens, on a quelque peu introduit le stade suivant de la dynamique, celui où des tourbillons de plus grande échelle se forment, qui englobent en eux des tourbillons qui tournent en sens contraires.
         Il est facile, dans une dynamique physique, de différencier ainsi ces deux stades en repérant le sens des tourbillons concernés et l’existence ou non, autour de leur groupe, d’un arc commun pour les regrouper ensemble. Dans le cas de la société humaine, au niveau du survol très rapide que nous effectuons ici, il n’est pas possible de véritablement séparer ces deux stades d’organisation, de telle sorte que nous les envisagerons ensemble les deux stades qui correspondent à la formation, en elle, d’une hiérarchie de plus en plus affirmée de structures associées (stade des tourbillons appariés) et de structures emboîtées sur différentes échelles (stade suivant des petits tourbillons dans les grands).
 
         Pour récapituler, d’abord, les étapes précédentes, nous rappelons que, pour ce qui concerne l'évolution de la société européenne, nous avions envisagé que la renaissance des nationalismes du début du siècle était l'équivalent de la séparation en spirales bien distinctes qui donne naissance à une allée de von Karman. Il en résulta la première guerre mondiale. Cela reprit de plus belle quand les nations se laissèrent gonfler en tourbillons encore plus impétueux, des tourbillons gourmands de tout ce qui se trouvait autour d'eux, et qui s'uniformisèrent profondément en "épurant" leur population. Il en résulta la seconde guerre mondiale, et nous avons envisagé que ce stade de la dynamique des sociétés européennes, corresponde donc au stade où les spirales se séparent complètement les unes des autres, et où elles se mettent à tourner en tourbillons circulaires très énergiques et très uniformisés.
         Pour correspondre au nouveau stade de la dynamique, celui des tourbillons circulaires qui se groupent maintenant à plusieurs dans une dynamique commune, il semble qu'il n'y ait qu'à continuer à suivre l'histoire européenne : après le second conflit mondial, les nations européennes s'admettent désormais l'une l'autre comme autant de faits acquis et irréversibles, et elles s'engagent alors dans un très lent processus de coopération. Ce processus les inclut progressivement dans une Communauté Européenne qui, petit à petit, augmente la taille de ses organismes et multiplie le champ de ses interventions. Progressivement, cette communauté économique s'organise, elle aussi, sur une plus grande échelle, et elle se rend capable de fonctionner avec un nombre croissant de nations.
         Ce processus de croissance est très clairement différent du précédent : il n'est plus question d'un Grand Reich qui absorbe et unifie dans un grand élan toute la race arienne, par exemple, mais d'une structure qui se surimpose progressivement à la structure des nations sans pour autant les abolir, sans même songer à les abolir, sans même avoir besoin de les abolir pour fonctionner.
 
         Nous avons rappelé le processus de construction de la Communauté Européenne pour montrer comment peut se manifester dans la société humaine un épisode similaire à l'appariement et à la croissance hiérarchique des tourbillons dans un fluide. Pourtant, ce n'est pas fondamentalement à cette construction que correspond le moment de la société occidentale que nous avons à considérer, car le processus fondamental en question prend d'avantage place dans la 1ère moitié du siècle, et il ne concerne pas que les pays européens. Ce qu'il faut considérer, c'est que ce processus que l'on voit aujourd'hui s'établir au niveau des nations européennes, n'est que la tardive émergence institutionnelle et à grande échelle d'un mouvement d'interaction économique, qui a fonctionné d'abord de façon plus modeste mais qui a irrigué tout le tissus social, et qui n'a pas été spécialement limité à l'Europe. On peut considérer qu'y a puissamment participé le développement du réseau de chemins de fer et celui de l'automobile, la radio et le téléphone, toutes ces techniques qui ont créé des liens vivants et des interactions inédites, entre des régions et des populations qui, auparavant, se vivaient complètement isolées les unes des autres, et qui ont notamment sorti les populations rurales de leur coupure ancestrale d'avec les populations urbaines. C'est le développement de ces liens que l'on peut dire purement "techniques" entre populations, ne les unifiant pas idéologiquement comme un lien politique, mais bouleversant profondément leur vie de manière très perceptible par eux, que l'on doit faire correspondre, dans la 1ère moitié du XXème, l'engrenage économique analogue à la transformation des tourbillons circulaires isolés en des tourbillons associés dans un tourbillonnement plus vaste qui les englobe.

 
 
Traduction dans l'art et la musique du paradoxe "même / différent"
 
         Pour une raison que nous expliquons ailleurs [ F voir cette explication] ce n'est qu'à l'étape suivante de l'évolution de la société que ce paradoxe sera le paradoxe caractéristique de l'architecture. Du fait de la transformation de plus en plus rapide de la société, ce fonctionnement commence à s'installer avant même que le précédent n'ait eu le temps de se généraliser, de telle sorte que les artistes qui correspondent à des étapes successives de la complexité se retrouvent en fait parfaitement contemporains. Pour cette raison, pendant plusieurs étapes, nous avons affaire à des artistes qui sont habituellement classés ensemble dans le "mouvement moderne", ce qui était déjà le cas lors de nos trois étapes précédentes.
 
         è architecture     deux exemples d'architectures qui fonctionnent en même / différent :
                                                Safdie : "Habitat 67" à Montréal
                                                Hasegawa : Musée du Fruit à Yamanashi
          è musique          les expressions caractéristiques de cet effet
 
 
 
Et l'architecture de la société qui fonctionne de façon "même / différente" ?
 
         Comme indiqué au début du paragraphe précédent, le paradoxe en jeu dans l'architecture d'une époque est toujours en retard d'une étape sur l'évolution des paradoxes en jeu dans la dynamique même de la société.
         La dynamique précédente de la société était fondée sur le paradoxe "lié / indépendant", c'est donc ce paradoxe qui fonctionne dans l'architecture des architectes qui vivent dans une société qui fonctionne de façon "même / différente".
         On peut :
 
         è      aller voir l'explication de la cause de cette situation paradoxale "liée / indépendante"
         è      voir directement des exemples de l'architecture "liée / indépendante"
                    qui forme ce que nous appellerons par commodité l'Art Moderne -3-
                    (Le Corbusier : maisons à Pessac
                      et Niemeyer : la Cathédrale de Brasilia)


  dernière mise à jour de ce texte : 20 août 2007


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