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phase de l'organisation 
paradoxe 1

 
cycle du noeud
phase de l'organisation - paradoxe 0
 
 
allées tourbillonnaires
Société autour de 1900
 
 
 
 
         Nous reprenons donc encore une fois notre fluide qui était parvenu à l'étape précédente à organiser ses couches laminaires en spirale è [rappel dans une autre fenêtre], et nous nous demandons ce qui lui arrive si ses différences de vitesses internes s'accroissent encore.
         [nota : on peut trouver une présentation de ce nouveau phénomène physique dans l'analyse du 4ème paradoxe de la Vénus de Lespugue dans la brève histoire de l'art]
         Comme on l'a vu à plusieurs reprises, ce qui est acquis est acquis. Le mouvement brownien fonctionnait toujours à l'intérieur de chaque couche du liquide lorsqu'il avait pris son fonctionnement laminaire, et l'organisation en couches séparées perdure dans l'organisation de la spirale. Donc la spirale est un acquis, et elle va nécessairement se conserver dans ce qui va maintenant arriver au fluide.
         Puisque la spirale demeure, elle se forme. Mais à partir d'un certain moment, rien ne va plus : certaines parties du fluide s'échappent trop vite et la spirale n'a pas le temps de les organiser. Puisque la spirale ne parvient plus à organiser le fluide qui arrive, elle s'interrompt, et du fluide s'en écarte. Puisque ce qui est acquis est acquis, et que l'organisation en spirale est acquise, nécessairement ce liquide récalcitrant à son tour s'enroule lui-même en spirale. Et puisque la spirale précédente a montré son incapacité à prendre en charge la totalité du différentiel de vitesse, il n'y a aucune raison pour que la nouvelle réussisse mieux. Alors la nouvelle spirale s'interrompt à son tour, et une autre spirale reprend de l'autre côté, du même côté qu'était partie la première spirale. Tel est le mécanisme selon lequel on peut décrire la naissance des tourbillons qui partent l'un derrière l'autre, en alternant de côté, et que l'on voit parfois se former dans l'eau derrière les piles d'un pont.
         Les physiciens ont donné un nom très poétique à cette organisation caractéristique d'un fluide : ils appellent cela des "allées tourbillonnaires de von Karman", du nom d'un grand "mécanicien des fluides" d'origine hongroise von Karman, qui trouva en 1911 une expression mathématique rendant compte de ce type de phénomène.
allée tourbillonnaire de von Karman en avant d'un cylindre
[d'après un cliché S. Taneda, Université de Kyushu (tiré de M. Van Dyke- 1982)
extrait de "La Turbulence" de Marcel Lesieur aux Presses Universitaires de Grenoble]
 
          On donne ci-dessus la photographie d'une telle allée tourbillonnaire, obtenue en laboratoire. On peut très nettement y distinguer l'amorce de spirale que constitue chaque tourbillon. À un endroit de son tracé, chaque spirale a son bras qui s'est scindé au moment précis où elle a échoué à organiser le liquide. À partir de cette cassure, une branche de la spirale continue en aval jusqu'à l'embranchement où elle a commencé à remplacer la spirale précédente, et l'autre branche la relie en amont à la spirale qui s'est formée à sa suite.
         Au passage remarquons que, dans cette situation, ce qui arrive à une spirale se répercute sur les spirales voisines : si par exemple l'une se gonfle excessivement, les autres vont tirer dessus pour la ramener à de plus justes proportions dans l'intérêt de la bande. Les spirales successives se conduisent ainsi comme un groupe solidaire, alors que chacune forme pourtant une unité indépendante, au point même de fonctionner en sens inverse à ses voisines.
 
 
 
Qu'y a-t-il de paradoxal dans une allée tourbillonnaire ?
 
         L'ensemble de cette organisation a la forme de spirales qui sont coupées l'une de l'autre, et qui en même temps sont reliées l'une à l'autre pour former une bande continue. C'est donc une dynamique qui, par un aspect, est coupée d'étapes successives, et qui, par un autre aspect, se présente comme ininterrompue.
         Ce double caractère doit bien être compris dans toute sa subtilité : bien que chaque spirale forme une étape distincte nettement séparée des autres, nulle part on ne trouve une frontière qui séparerait d'un côté une spirale complète et de l'autre côté une seconde spirale complète, car chaque spirale fait un peu partie de la spirale qui la précède et fait aussi un peu partie de la spirale qui la suit. Nous avons désigné par conséquent cette situation comme relevant du paradoxe continu / coupé en étapes.
 
 
 
Nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la complexité
 
         Maintenant, tentons de décrire le type de classement obtenu entre les vitesses différentes qui cohabitent dans la structure d'une allée tourbillonnaire : c'est un classement en spirale qui se déplace en s'agrandissant, avec des points singuliers de bifurcations à partir desquels la spirale change de sens mais on est alors à un autre endroit de la nouvelle spirale que l'endroit où l'on était dans l'ancienne, et d'ailleurs la spirale se déforme au fur et à mesure qu'elle s'avance . . .
         On a tenté la description ! Et encore, on n'a décrit que la forme du classement. Quant à décrire le mode d'évolution et d'imbrication des vitesses dans cette structure complexe et mouvante, il n'en est pas question. Comme il n'était plus question de décrire la suite des positions occupées par une molécule après la fusion de son réseau cristallin : son déplacement brownien était tout autant impossible alors à décrire en termes d'une succession de positions ponctuelles, que les vitesses internes au fluide sont maintenant impossibles à décrire en termes de classements.
         Il faut s'y habituer, au début de chacune des quatre phases que comporte le cycle du noeud nous devons changer notre regard, et chaque fois nous devons trouver un autre élément significatif dont nous pourrons suivre l'évolution pendant les quatre étapes de la nouvelle phase. D'abord, nous avons examiné ce qu'il advenait aux positions ponctuelles, puis ce qu'il advenait aux classements des vitesses, et maintenant ? Maintenant, ce sera l'organisation. Nous allons observer la façon dont les différentes parties du fluide s'organisent entre elles, c'est-à-dire la façon dont elles forment des structures permanentes ou des structures fluctuantes, des structures isolées l'une de l'autre ou des structures groupées dans des structures de plus grande échelle, des structures indépendantes ou des structures interdépendantes, etc.
 
         À cette première étape justement, comment pouvons nous décrire la nature de l'organisation formée ? Nous pouvons tout simplement reprendre notre description précédente:
        -  nous avons affaire à des spirales dont la dynamique de chacune est bien séparée de la dynamique de ses voisines, puisqu'elles tournent à l'envers l'une de l'autre. Nous avons donc affaire à des organisations qui sont coupées l'une de l'autre.
        -   mais en même temps elles vivent en bande, et la bande qu'elles forment représente une forme d'organisation d'ensemble continue.
         Donc les spirales sont, à ce stade, des dynamiques coupées l'une de l'autre, et appartenant à une dynamique d'ensemble continue. Voilà comment on peut résumer l'organisation du fluide, et comme on le voit cette description reprend tout simplement les termes du paradoxe fondamental de son fonctionnement "continu / coupé".

 
 
Une société continue / coupée
 
          Revenons à la société occidentale que l'on envisage maintenant dans les débuts du XXème siècle. Il n'est pas douteux qu'à cette époque l'interdépendance des économies était déjà prononcée, et que par conséquent la société occidentale présentait bien un aspect de "dynamique d'ensemble". Mais l'aspect de dynamiques coupées l'une de l'autre, était-il lui aussi suffisamment marqué pour être remarquable ?
         Le siècle précédent fut celui du rangement par classes. Les prolétaires ne juraient que par "prolétaires de tous les pays unissez-vous !". Dans la classe la plus antagoniste, les capitalistes ne juraient pas tout haut de s'unir entre tous les pays, mais ils y pensaient très fort, et ils le faisaient chaque fois que nécessaire à leurs intérêts. Cela est rappelé pour montrer combien d'autant plus significatif fut le réveil des nationalismes au début de ce siècle. À la grande stupeur et incompréhension des quelques socialistes révolutionnaires qui vivaient encore sur les divisions du siècle précédent, les prolétaires de chaque pays se sont engagés massivement avec enthousiasme aux côtés de leurs ennemis de classe, dans des guerres nationalistes qui promettaient d'être courtes, fraîches et joyeuses, et qui sont devenues rien de moins que la première guerre mondiale entre nations.
         Il ne s'agit pas ici de souligner l'existence de cette guerre. En elle même, elle n'a rien de remarquable, et l'on aurait pu tout aussi bien parler en leur temps de la guerre de cent ans du XVème siècle, des guerres de religion du siècle suivant, etc., etc. Ce que l'on veut juste souligner, c'est le réveil des nationalismes qui ont été cette fois l'occasion de la guerre. Car cela confirme bien que la société occidentale, au tournant du siècle, s'engageait dans un type d'organisation qui mariait des dynamiques nationales qui voulaient se couper l'une de l'autre, et la dynamique d'ensemble qu'apportait l'interdépendance des économies nationales.
 
 
 
Traduction dans l'art et la musique du paradoxe "continu / coupé"
 
         Pour une raison que nous expliquons ailleurs [ F voir cette explication] ce n'est qu'à l'étape suivante de l'évolution de la société que ce paradoxe sera le paradoxe caractéristique de l'architecture. Du fait de la transformation de plus en plus rapide de la société, ce fonctionnement commence à s'installer avant même que le précédent n'ait eu le temps de se généraliser, de telle sorte que les artistes qui correspondent à des étapes successives de la complexité se retrouvent en fait parfaitement contemporains. Pour cette raison pendant plusieurs étapes nous aurons affaire à des artistes qui sont habituellement classés ensemble dans le "mouvement moderne", ce qui était déjà le cas lors de la dernière étape.
 
         è architecture     deux exemples d'architectures qui fonctionnent en continu / coupé :
                                                Eero Saarinen : terminal TWA à New York Idlewild
                                                Mies Van der Rohe : la Villa Tugendhat à Brünn
         è musique          les expressions caractéristiques de cet effet
 
 
 
Et l'architecture de la société qui fonctionne de façon "continue / coupée" ?
 
         Comme indiqué au début du paragraphe précédent, le paradoxe en jeu dans l'architecture d'une époque est toujours en retard d'une étape sur l'évolution des paradoxes en jeu dans la dynamique même de la société.
         La dynamique précédente de la société était fondée sur le paradoxe "synchronisé / incommensurable", c'est donc ce paradoxe qui fonctionne dans l'architecture des architectes qui vivent dans une société qui fonctionne de façon "continue / coupée".
         On peut :
 
         è      aller voir l'explication de la cause de cette situation paradoxale "synchronisée / incommensurable"
         è      voir directement des exemples de l'architecture "synchronisée / incommensurable"
                    qui forme ce que nous appellerons par commodité l'Art Moderne -1-
                    (Wright : une "maison dans la prairie"
                      et  Aalto : Maison de la Laponie à Rovaniemi )
 


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