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le style Napoléon III

cycle du noeud
phase du point - paradoxe 3
le style de l'époque révolutionnaire en art
(fin du XVIIIème siècle)
 
 
fermé / ouvert
 
 
 
 
Fonctionnement de la société dans laquelle est plongé l'artiste

Dans un autre texte on a expliqué que la dynamique qui anime la société à la fin du XVIIIème siècle est comparable à celle d'un liquide que brasse un mouvement brownien incessant [ F   F  revoir les deux images caractéristiques dans une autre fenêtre]. Ce brassage vise à permettre le reclassement perpétuel de la société selon le mérite personnel et l'évolution de ce mérite, à supprimer les privilèges au fur et à mesure qu'ils se révèlent injustifiés, à résorber les écarts excessifs au fur et à mesure de leur apparition.  Que fait cette dynamique, sinon défaire le classement social existant - donc faire en sorte que les personnes ne se suivent plus dans l'ordre où elles sont classées actuellement - pour faire dans le même élan un autre classement plus satisfaisant - donc faire en sorte que ces mêmes personnes se suivent dans un nouvel ordre - ? Effectivement elle fait que cela se suive - d'une nouvelle façon - et en même temps que cela ne se suive plus - de l'ancienne façon -.  Elle fait donc que cela "se suit sans se suivre", qui est le nom que l'on a donné au paradoxe qui caractérise son fonctionnement.
 
 

Nature du paradoxe que l'artiste cherche à maîtriser

L'artiste, comme tous les membres de sa société, est donc "pris", "englué" dans le paradoxe "ça se suit sans se suivre".
Mais il est trop "pris", trop "englué" dans ce paradoxe pour pouvoir le regarder en face. Il est "dépassé" par ce paradoxe qui domine inconsciemment son comportement. Ce paradoxe est trop omniprésent dans les rouages de sa société et à toutes les échelles et sous tous les aspects de son fonctionnement, pour qu'il puisse l'appréhender avec un quelconque recul. Il est lui même une partie de ce paradoxe, puisque ce paradoxe est celui qui a trait à la relation entre la société dans son entier et chaque membre de cette société.

À défaut de pouvoir y faire face, et dans le but de prendre le recul qui lui manque pour saisir complètement ce qui se passe en lui, il peut apprivoiser une forme moins virulente de ce paradoxe, une forme que l'acquis antérieur de la société a permis d'intégrer à la complexité du fonctionnement interne de chacun, une forme que pour cette raison il pourra dominer, dont il pourra appréhender tous les aspects, saisir toutes les relations internes impliquées par son fonctionnement. Cette forme atténuée du paradoxe "ça se suit sans se suivre", on peut penser que c'est le paradoxe "fermé / ouvert" puisque c'est lui qui a dominé le fonctionnement de la société pendant le demi-siècle précédent, c'est-à-dire pendant la 1ère moitié du XVIIIème siècle.
On explique maintenant pour quelle raison le recours à ce fonctionnement paradoxal est effectivement impérieux pour une personne "prise" dans le paradoxe "ça se suit sans se suivre" afin de l'aider à tenir dans une telle situation.
 
 
 
Pertinence du paradoxe "fermé / ouvert"
 
Le brassage perpétuel de la société, le reclassement incessant de chacun par rapport aux autres selon son mérite personnel et l'évolution de son mérite, nécessite la capacité de vivre dans une société dont on ne sait dire si elle est fermement établie ou si elle se défait sans arrêt. Celui qui cherche à s'y repérer doit intérioriser le fait paradoxal que sa société ne cesse de s'ouvrir de fond en comble pour défaire son classement actuel inadapté, et que dans le même mouvement elle ne cesse de se refermer sur un meilleur nouveau classement. Ouvert / fermé : on retrouve notre paradoxe.
 
 
 
Les deux procédés du paradoxe "fermé / ouvert"
 
Comme à toute époque [ F revoir l'explication dans une autre fenêtre], nous trouvons deux procédés pour exprimer le paradoxe fermé / ouvert : le procédé analytique, et le procédé synthétique.
Le procédé analytique consiste à faire en sorte que l'architecture ouvre complètement un espace sur un autre, et que par ailleurs des dispositions spéciales ferment complètement cet espace. Ce procédé consiste donc à réellement mettre en présence les termes contradictoires du paradoxe, termes qui normalement s'excluent. Mais par sa réussite même, ce procédé tue ce qu'il y a de vraiment paradoxal, c'est-à-dire d'insoluble dans le paradoxe qu'il illustre.
Le procédé synthétique consiste, par des conflits dans notre perception, à nous faire ressentir le trouble exact qui s'installe en nous lorsque l'on cherche à percevoir un espace qui est à la fois fermé et ouvert. Ce procédé permet cette fois de garder vivante l'impression d'impossible cohabitation des deux termes du paradoxe, mais en échange il se doit d'être moins exigeant sur ce qu'il fait réellement. Il garde vivante l'impression d'incompatibilité entre la notion de fermeture et la notion d'ouverture, mais il doit s'abstenir de matérialiser réellement cette situation.
 
 
 
Boullée : projet d'opéra pour la place du Carrousel à Paris
 
      dessin en perspective   (dans une autre fenêtre)
 
Avec Ledoux, les historiens ont classé Étienne-Louis Boullée (1728-1799) parmi les architectes dits "utopistes".
Voici le projet d'opéra qu'il a dessiné en 1781 pour la place du Carrousel à Paris.
La sphère qui domine la composition se présente comme une forme parfaitement close et compacte. Cet effet est renforcé par les deux entablements circulaires qui font le tour du bâtiment, et qu'on lit également comme des formes qui se referment sur elles-mêmes.
En contraste, la colonnade très ajourée apporte l'idée d'ouverture à tous vents. Comme on la voit aussi faire le tour du bâtiment, l'ouverture proposée est une ouverture continue, totale, sur tous les côtés. Aussi complète donc que les clôtures sphériques et circulaires qu'elle combat.
Les massifs latéraux qui reçoivent une sculpture, rayonnent à partir du centre de l'édifice. Le dessin des personnages qui descendent les emmarchements, lui aussi correspond à une mise en scène rayonnante. Ces formes rayonnantes, s'ouvrant sans cesse et de plus en plus, prolongent l'ouverture de la colonnade et forment eux aussi contraste avec l'enveloppement de la sphère et des entablements circulaires qui se referment sur eux-même.
 

 expression analytique du fermé / ouvert : des formes rondes qui se referment sur elles-même
s'opposent à une ouverture de la colonnade vers toute les directions
 
On a indiqué le rôle joué par la colonnade circulaire dans cet effet analytique (surface très ouverte, par comparaison avec la surface hermétiquement close de la sphère et le ruban plein de l'entablement). Mais on peut aussi signaler l'effet synthétique que provoque la même colonnade : elle ne s'ouvre de tous côtés que parce qu'elle forme une boucle close.
 
 
expression synthétique du fermé / ouvert : la colonnade s'ouvre vers toute les directions parce qu'elle se referme en boucle
 
Dans le même esprit de colonnade circulaire qui fait à la fois clôture complète et complète ouverture panoramique, on peut citer la coupole du Panthéon à Paris que Soufflot (1713-1780) avait conçu quelques années auparavant (construction entre 1756 et 1790).
On peut aussi citer le très célèbre dôme du Capitole de Washington, qui abrite le Sénat et la Chambre des Représentants des Etats Unis. Ce bâtiment fut construit à partir de 1793 d'après les plans du Britannique W. Thornton.
 
Revenons au projet de Boullée.
Dans le premier effet examiné la colonnade ouvrait grâce à ses vides, par opposition à son entablement que l'on considérait en train de se fermer en boucle. Si on lit la forme d'une autre manière les rôles sont maintenant inversés :
- les colonnes viennent buter sur l'entablement : leur trajet est donc barré, la route leur est fermée ;
- l'entablement continue lisse et sans interruption dans le sens horizontal, franchissant tous les carrefours de ses rencontres avec les colonnes : son trajet à lui est toujours ouvert.
 
 expression analytique du fermé / ouvert : les colonnes viennent se buter contre l'entablement, l'entablement passe lui librement devant les colonnes.
Le trajet des colonnes est barré, celui de l'entablement est ouvert
 
Cet effet donne l'occasion d'envisager le double aspect que présente toute forme ou tout trajet circulaire : par un aspect un tel trajet est fermé puisqu'il est bouclé, mais par un autre aspect il est ouvert, puisqu'on peut le parcourir sans arrêt sans rencontrer de barrière.
 
 
expression synthétique du fermé / ouvert : une boucle se referme sur elle-même, elle est donc close.
Mais pour la même raison on peut la parcourir sans jamais renconter d'obstacle, son trajet est donc toujours ouvert
 
Un dernier effet que l'on peut signaler concerne la façon dont se groupent les diverses bandes circulaires et le dôme sphérique qui forment la partie supérieure de l'édifice :
- ils referment circulairement l'édifice, insistant sur sa clôture par leur amalgame et par la conjonction de leurs effets de bouclage,
- mais on ne peut lire la réunion de ces bouclages sans percevoir en même temps qu'ils se décalent dans la profondeur, laissant entre eux des béances ouvertes.
 
 
expression synthétique du fermé / ouvert : en se bouclant ensemble, le dôme et les bandeaux circulaires laissent des béances ouvertes entre eux
 
Comme souvent à cet effet synthétique se mêle un effet analytique :
- on peut lire les bandes horizontales et le dôme comme des tranches sans aucune ouverture ni l'une ni l'autre, qui s'appuient en continu l'une sur l'autre pour bien fermer l'édifice par le dessus,
- du fait que notre perception ne s'y prend pas de la même façon pour les lire (on lit la coupole comme un volume, la bande intermédiaire comme une surface verticale, et la corniche de l'entablement des colonnes comme un trajet), on est aussi amené à renoncer à les lire comme formant une voûte continue. Cette lecture nous fait percevoir l'absence de raccordement entre la surface de ces figures, et les ouvertures verticales qu'elles laissent par conséquent entre elles.
 
 expression analytique du fermé / ouvert : lecture d'une voûte aveugle continue qui ferme le dessus de l'édifice,
et lecture de formes mal raccordées qui laissent des ouvertures entre elles
 
 
 
 
 
Soane : le Breakfast Parlour du musée Soane de Londres
 
      vue de l'intérieur de la pièce   (dans une autre fenêtre)
 
Construit à Londres en 1812, le Breakfast Parlour fait maintenant partie du musée de Sir John Soane qui en fut l'architecte.
Il possède un plafond très surbaissé, en forme de grande coque qui referme expressivement l'espace sur le dessus. Ce dôme qui ferme l'espace au dessus de nous est lui-même formé d'une surface circulaire qui se referme sur elle-même. En contraste avec ces effets, on constate que le dôme est également largement troué en son sommet. Ce trou ouvre la surface, et il ouvre en même temps la pièce sur l'espace du dessus.
 
 expression analytique du fermé / ouvert : l'espace est fermé par une surface circulaire qui elle-même se referme en boucle,
mais l'espace est également ouvert par un large trou béant ouvert dans le dôme
 
Par sa grande proximité, cet espèce de dais augmente la notion d'intériorité, renforce l'impression que l'on a d'être enveloppé par les parois. Mais dans le même temps, et par le fait même qu'il se sépare des murs et du plafond pour être plus près de nous, il renvoie le reste de la pièce comme étant à son extérieur : cette coque en plafond ferme donc un intérieur en même temps qu'elle l'ouvre sur un extérieur . . . qui est lui-même clairement perçu comme à l'intérieur d'une pièce : c'est du fermé / ouvert / fermé.
 
 
expression synthétique du fermé / ouvert : à l'intérieur de la pièce fermée, le dais ouvre sur un extérieur qui se sépare de la partie enfermée sous lui.
C'est du fermé / ouvert / fermé
 
 
 
 
Travaux pratiques

Dans un autre texte il est expliqué que, au cycle du noeud qui fonctionne en organisation, chaque paradoxe dominant utilise trois autres paradoxes dominés qu'il combine pour se faire valoir.
Il peut être un bon exercice d'entraînement de rechercher comment le paradoxe dominant fermé / ouvert utilise dans le projet d'opéra pour le Carrousel et dans le Breakfast Parlour les paradoxes :
               ça se suit sans se suivre (que l'on trouve dans le style "Napoléon III")
               homogène / hétérogène (que l'on trouve dans l'un des aspect du style Art Nouveau)
               rassembler / séparer (que l'on trouve dans l'autre aspect du style Art Nouveau)
 
Pour être complet, il convient de rechercher chaque fois l'expression analytique et l'expression synthétique de chacun de ces paradoxes.
 


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