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le style rococo

cycle du noeud
phase du point - paradoxe 1
les styles baroque et classique en art (XVIIème siècle)
 
 
entraîné / retenu
 
 
 
Fonctionnement de la société dans laquelle est plongé l'artiste

Dans un autre texte on a expliqué que chaque personne de cette société se trouve en situation similaire à celle d'un atome ou d'une molécule d'un réseau qui s'approche du point de fusion [ F revoir l'image caractéristique dans une autre fenêtre].
On y a vu le caractère paradoxal d'une telle situation qui allie un mouvement mettant en branle tout l'ensemble du réseau (donc un mouvement d'ensemble), et l'indépendance complète de déplacement de chacun des éléments qui participent à ce mouvement d'ensemble. Pour cette raison on a appelé ce paradoxe : "mouvement d'ensemble / autonomie".
 
 

Nature du paradoxe que l'artiste cherche à maîtriser

L'artiste, comme tous les membres de sa société, est donc "pris", "englué" dans le paradoxe "mouvement d'ensemble / autonomie".
Mais il est trop "pris", trop "englué" dans ce paradoxe pour pouvoir le regarder en face. Il est "dépassé" par ce paradoxe qui domine inconsciemment son comportement. Ce paradoxe est trop omniprésent dans les rouages de sa société et à toutes les échelles et sous tous les aspects de son fonctionnement, pour qu'il puisse l'appréhender avec un quelconque recul. Il est lui même une partie de ce paradoxe, puisque ce paradoxe est celui qui a trait à la relation entre la société dans son entier et chaque membre de cette société.

À défaut de pouvoir y faire face, et dans le but de prendre le recul qui lui manque pour saisir complètement ce qui se passe en lui, il peut apprivoiser une forme moins virulente de ce paradoxe, une forme que l'acquis antérieur de la société a permis d'intégrer à la complexité du fonctionnement interne de chacun, une forme que pour cette raison il pourra dominer, dont il pourra appréhender tous les aspects, saisir toutes les relations internes impliquées par son fonctionnement. Cette forme atténuée du paradoxe "mouvement d'ensemble / autonomie", on peut penser que c'est le paradoxe "entraîné / retenu" puisque c'est lui qui a dominé le fonctionnement de la société au siècle précédent, celui de l'époque maniériste.
On explique maintenant pour quelle raison le recours à ce fonctionnement paradoxal est effectivement impérieux pour une personne "prise" dans le paradoxe "mouvement d'ensemble / autonomie" afin de l'aider à tenir dans une telle situation.
 
 
 
Pertinence du paradoxe "entraîné / retenu"
 
L'approche de la "fusion" de la société engendre une difficulté particulière pour se positionner.
Cette difficulté naît du fait que l'on reste dans un stade intermédiaire entre l'état solide et l'état liquide, et que l'on doit en quelque sorte s'adapter simultanément à ces deux états contradictoires. Comme on n'est pas encore dans la phase liquide, le réseau de liens rigides qui structure la société fait toujours sentir sa présence et tient toujours chacun à sa place. Mais des places s'ouvrent devant chacun, et invitent à quitter notre place pour en gagner une autre, que l'on considère donc tout autant comme étant la notre. On est tout entier conditionné par notre attirance irrésistible vers notre autre place, et en même temps on est tout entier conditionné par notre blocage absolu à notre place actuelle : telle est le fondement du paradoxe qui va donc éclairer l'architecture du  XVIIème siècle.
On reconnaît là bien entendu le paradoxe "entraîné / retenu".
 

 
 
Les deux procédés du paradoxe "entraîné / retenu"
 
Comme à toute époque [ F revoir l'explication dans une autre fenêtre], nous trouvons deux procédés pour exprimer le paradoxe entraîné/retenu : le procédé analytique, et le procédé synthétique.
Le procédé analytique consiste à faire que l'architecture que nous avons devant nous entraîne réellement, soit à suivre une direction, soit à ressentir qu'un creux nous enveloppe complètement, etc. Dans le même temps, d'autres aspects du bâtiment nous barreront cette direction, où nous expulseront de cette enveloppement. Ce procédé consiste donc à réellement mettre en présence les termes contradictoires du paradoxe, termes qui normalement s'excluent. Mais par sa réussite même, ce procédé tue ce qu'il y a de vraiment paradoxal, c'est-à-dire d'insoluble dans le paradoxe qu'il illustre.
Le procédé synthétique consiste, par des conflits dans notre perception, à nous faire ressentir le trouble exact qui s'installe en nous lorsque l'on cherche à percevoir que l'on est simultanément entraîné et retenu vers une direction ou vers un creux. Ce procédé permet cette fois de garder vivante l'impression d'impossible cohabitation des deux termes du paradoxe, mais en échange il se doit d'être moins exigeant sur ce qu'il fait réellement. Il garde vivante l'impression d'incompatibilité entre le fait d'être entraîné et celui d'être retenu, mais il doit s'abstenir de matérialiser réellement cette situation.
 
 
 
Le Bernin : la place Saint-Pierre à Rome
 
      vue aérienne de la place   (dans une autre fenêtre)
 
La colonnade du Bernin pour la place Saint-Pierre à Rome a une disposition d'ensemble en ellipse, et chaque bout de l'ellipse est enveloppé par une colonnade.
Chaque colonnade creuse un emplacement qui nous attire, qui nous entraîne vers lui, car on le perçoit en s'imaginant enveloppé par son arrondi, bien calé dans son arrondi. Mais la perception de la colonnade opposée nous attire de la même façon vers elle, et nous déloge par conséquent de notre première perception. Les deux formes en creux enveloppant sont donc ici ce qui nous entraîne, et la concurrence entre ces deux creux opposés de l'ellipse est ce qui contrarie cette attirance, nous faisant faire un va-et-vient incessant entre la perception de l'un et la perception de l'autre.
Cet exemple d'architecture baroque est donc spécialement caractéristique du procédé synthétique, dans lequel c'est la lecture d'une seule et même forme (le creux) qui suscite contradictoirement en nous l'effet d'entraînement et l'effet de retenue, et qui installe donc en notre perception le conflit entre ces deux effets.
 

expression synthétique de l'entrainé / retenu : deux creux concurrents nous entraînent vers eux,
mais par l'équivalence de leur attraction, chacun nous retient de nous positionner dans l'autre

On peut également y lire l'expression analytique du paradoxe. Cette fois c'est la continuité de la colonnade rectiligne qui nous entraîne à traverser la place, cette traversée étant même "dopée" par la légère forme en éventail de l'avenue qui mène à Saint-Pierre. Quant à ce qui nous empêche de lire cet entraînement réussi, c'est le barrage que forme l'obélisque central qui "bouche la vue", et c'est la contrariété qu'apporte l'ouverture de la place, car son ellipse a son grand axe qui est perpendiculaire à l'avenue et la croise donc.
 

expression analytique de l'entrainé / retenu : l'enfilade en perspective nous entraîne à traverser la place,
mais  la présence de l'obélisque central et l'élargissement latéral de l'ovale nous retient de nous laisser entraîner par cette impression
 
Mais plus caractéristique de l'expression analytique de "'entraîné / retenu" est l'exemple d'architecture classique française que l'on donne maintenant.
 

 
Louis-le-Vau : la façade d'entrée du château de Vaux-le-Vicomte
 
      vue de la façade   (dans une autre fenêtre)
 
Autant le baroque italien a fait usage des courbes et des contre courbes, autant le classique français a préféré lui ce qu'on peut appeler des coins et des "contre-coins" orthogonaux.
Ainsi la façade d'entrée du château de Vaux-le-Vicomte (1657-1661) que l'architecte Louis Le Vau (1612-1670) construisit pour Fouquet, alors surintendant des Finances.
Sa forme générale est un U creux, et cette forme générale en creux possède donc elle-même deux coins en creux qui nous enveloppent et nous accueillent. Mais chacun de ces coins est encombré d'un contre-coin en "plein" qui contrarie cet enveloppement et nous empêche de nous ressentir véritablement dans un creux. Nous sommes indissociablement dans un coin creux, et devant un coin plein.
 

 expression analytique de l'entrainé / retenu : la forme en coin creux nous entraîne à ressentir son enveloppement,
mais le contre-coin plein qui l'encombre nous retient de nous laisser entraîner par cette impression
 
 
Pour donner un exemple du même procédé mais employé cette fois à la manière baroque italienne, c'est-à-dire à l'aide de courbes et de contre-courbes au lieu des coins orthogonaux du classique français, on peut citer le premier des projets que Le Bernin avait fait pour le Louvre à Paris, sur l'invitation de Colbert.
      vue de la façade principale du projet du Bernin pour le Louvre   (dans une autre fenêtre)
 
 
On revient au château de Vaux-le-Vicomte, pour y observer comment les extrémités des ailes latérales affirment chacune un axe autonome qui concurrence l'axe de l'ensemble du bâtiment. On retrouve là un effet du paradoxe "du centre à la périphérie" que l'on avait trouvé dans l'architecture maniériste. Rien d'anormal puisque ce paradoxe est mis à contribution ici pour faire valoir le paradoxe dominant  "'entraîné / retenu". Plus précisément il sert ici à son expression synthétique : on est entraîné à ressentir les redents successifs du bâtiment comme une suite continue de cubes similaire, et on est retenu dans cette perception lorsque l'on constate que les cubes d'extrémité affirment une axialité que n'ont pas les cubes qui occupent les creux latéraux, en particulier au niveau de la toiture.
 
 autre expression analytique de l'entrainé / retenu : les redents successifs nous entraînent à les lire en frise continue,
mais la lecture des axes (qui relève du paradoxe des centres à la périphérie en concurrence avec l'axe central) nous retient de faire cette lecture
 
 
Cet effet est également présent dans la façade du Louvre du Bernin dont l'exemple a été donné ci-dessus : une corniche continue horizontale aide la lecture en bande de l'ensemble, une surélévation du cylindre central accuse l'autonomie de cet axe, et des avancées en relief affirment l'axialité de chaque extrémité latérale.

Dans ces deux effets au caractère analytique (coins creux/contre-coins pleins, et frise horizontale continue/axes verticaux décalés), la symétrie autour de l'axe central intervient pour apporter l'expression synthétique de la même façon qu'elle le faisait dans l'ellipse à deux foyers de la colonnade de la place Saint-Pierre du Bernin : chaque côté veut être "le" creux ou l'axe "à prendre en compte", mais les deux côtés se contre-balancent mutuellement en attirant/délogeant notre perception de l'autre.
Cela vaut pour Vaux-le-Vicomte, mais là encore cela vaut pour le projet du Bernin pour le Louvre. Dans cet exemple, la perception d'un grand creux unique encombré par une tour ronde centrale, est concurrencée par sa perception sous forme cette fois de deux creux autonomes encadrant la tour, creux dont l'importance équilibrée nous fait balancer sans cesse entre la perception de l'un et la perception de l'autre.
 

expression synthétique de l'entrainé / retenu à Vaux-le-Vicomte :
concurrence entre deux coins creux équivalents, et concurrence entre deux axes équivalents.
À chaque fois, chacun nous entraîne vers lui et nous retient de nous positionner dans l'autre (pour les creux), ou sur l'autre (pour les axes)
 
 
Le château Vaux-le-Vicomte fut parait-il si luxueux qu'il rendit Louis XIV jaloux, et qu'il stimula son désir de surpasser à Versailles la construction de son surintendant. C'est aussi à Le Vau que Louis XIV demanda en 1664 de reconstruire le château de Versailles. Par la suite, la construction de Le Vau fut complétée côté jardin par la galerie des glaces et par de longues ailes.
La cour d'entrée fut conçue par Le Vau sur la même disposition qu'il avait employée à Vaux-le-Vicomte : c'est un grand U, et dans chacun de ses coins, un coin inverse vient en contrarier le creux. Mais peut-être parce que le Roi lui avait demandé d'en faire deux fois plus que pour le surintendant aux Finances, il en fit deux fois plus aussi en matière de coins et de contre coins. Dans les coins creux formés par une première rangée de coins pleins inclus dans les grands coins creux du U, il remit en effet un deuxième niveau de coins pour les contrarier à leur tour.
      vue de la cour d'entrée du château de Versailles   (dans une autre fenêtre)
 
 
 
Travaux pratiques

Dans un autre texte il est expliqué que, au cycle du noeud qui fonctionne en organisation, chaque paradoxe dominant utilise trois autres paradoxes dominés qu'il combine pour se faire valoir.
Il peut être un bon exercice d'entraînement de rechercher comment le paradoxe dominant de l'entraîné / retenu utilise dans la place Saint-Pierre et dans la façade de Vaux-le-Vicomte les paradoxes :
               relié / détaché (que l'on trouve dans le style renaissance)
               le centre à la périphérie (que l'on trouve dans le style maniériste)
               mouvement d'ensemble / autonomie (que l'on trouve dans le style rococo)
 
Pour être complet, il convient de rechercher chaque fois l'expression analytique et l'expression synthétique de chacun de ces paradoxes.
 


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