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tableau historique
 
tableau des 16 paradoxes
avant :  
une rose de N.D. de PARIS
suite :   
le gothique au 14ème siècle

 la façade de WELLS
 
 
 
 
 

Pour aller aux autres exemples de gothique rayonnant analysés :
 
     à la transformation des fenêtres, de gothique classique en rayonnant
     à transformation des chapiteaux et du triforium, de gothique classique en rayonnant
     à la flèche de la cathédrale de SENLIS
     à la rose du croisillon nord de Notre-Dame de PARIS
 
   le tableau qui résume l'évolution de la musique et de l'architecture pendant le moyen-âge
   les généralités sur les effets paradoxaux que l'on trouve dans l'architecture gothique rayonnante
 
 

Pour charger l'image de l'exemple analysé :   la façade de la cathédrale de WELLS (Angleterre) - 1229 à 1239  (s'ouvre en principe dans une autre fenêtre)

Source de l'image utilisée :
"Le gothique rayonnant" dans la collection "Architecture Mondiale" chez TASCHEN
 

À l'occasion du gothique classique nous avons analysé la tour de PISE et St Michel de LUCQUES, et ces exemples nous ont montré que le "gothique" italien de l'époque classique répondaient des mêmes effets que ceux du gothique tout en n'ayant aucune allure gothique.
De la même façon, s'élabore en Angleterre à partir de 1200 (donc une trentaine d'année avant la France) un gothique très différent du gothique rayonnant, mais qui répond cependant des mêmes effets paradoxaux.
On peut par exemple citer la façade-écran de la cathédrale de PETERBOROUGH (1201-1222) qui met en forme de façon très forte le paradoxe intérieur / extérieur, puisqu'elle enveloppe complètement à l'intérieur d'elle-même l'ancienne façade romane de l'église, tout en ouvrant ses porches suffisamment grand pour que cette façade devenue intérieure paraisse encore à l'extérieure.

L'analyse que nous allons faire est celle de la façade de la cathédrale de WELLS (1229-1239) de laquelle on peut rapprocher la façade de SALISBURY (vers 1250).
Initialement cette façade comportait le groupe de statues le plus important de toute l'Angleterre (350, dont la moitié grandeur nature), mais beaucoup ont été démolies à l'époque puritaine et ne sont que progressivement restaurées.
Les étages supérieurs des deux tours furent ajoutés vers la fin du XIVème siècle. On ne tiendra donc pas compte de ces tours dans l'analyse.
[nota : si quelqu'un peut me procurer une vue de la façade avant cette modification, même schématique, je l'en remercie par avance]
 
 


Le  1er paradoxe : intérieur / extérieur

Les plis verticaux fortement marqués font que, de l'espace situé entre deux bossages, on peut dire qu'il forme un creux intérieur situé en façade, donc un intérieur à l'extérieur du bâtiment.
Les deux aspects de cette situation paradoxale sont inséparables, il s'agit donc d'une expression synthétique.
 

 
expression synthétique du paradoxe intérieur / extérieur :
les plis forment des creux intérieurs qui sont "en façade", donc à l'extérieur
 

Chaque statue est située dans une petite niche. Elle y est suffisamment engoncée pour qu'on la ressente à l'intérieur de la niche, et elle est suffisamment au bord du vide pour qu'on la ressente aussi comme une statue en plein air, donc à l'extérieur.
Dans le fond des creux latéraux  du niveau principal, la face extérieure nue de la façade apparaît, et une fine colonne passe au devant pour soutenir de hautes arcades en ogive. À cet endroit la façade "extérieure" est donc "à l'intérieur" de ces arcades.
Ces deux expressions sont de type analytique.
 

 
deux expressions analytiques du paradoxe intérieur / extérieur :
croquis de gauche : les statues sont à l'intérieur de niches, et en même temps en position très extérieure
croquis de droite : le mur du fond des creux latéraux a sa face extérieure qui est à l'intérieur de grandes arcades
 
 


Le 2ème paradoxe :  un / multiple

Chaque étage forme une bande horizontale homogène unitaire : il y a d'abord un socle uniformément aveugle et presque sans aucun relief, puis il y a l'étage qui surmonte les portes et qui ne comporte qu'une rangée de statues (pour la plupart absentes aujourd'hui), puis il y a l'étage principal qui comporte deux niveaux de statues.
Mais les contreforts qui s'avancent et les déforment, divisent ces bandes unitaires en de multiples fronces verticales.
Le même effet se lit aussi dans l'autre sens : chaque contrefort vertical fait "une" saillie verticale bien repérable, et il se divise en étages bien différenciés, séparés l'un de l'autre par des bandeaux nettement soulignés.
Ces deux effets (horizontales divisées par des verticales, et verticales divisées par des horizontales) correspondent à des expressions analytiques, car le "un" et le "multiple" sont à chaque fois parfaitement réalisés.
 

 
deux expressions analytiques du paradoxe un / multiple :
croquis de gauche : chaque étage forme "une" bande horizontale homogène et continue.
Les contreforts verticaux la divisent en de "multiples" fronces
croquis de droite : chaque contrefort vertical forme "une" saillie bien individualisée.
Des bandeaux bien marqués la découpent en de "multiples" étages
 

Que l'on prenne l'étage du bas ou que l'on prenne l'étage principal, à chaque fois il s'agit d'une bande uniforme morcelée en une multitude de petites niches de statues.
Cette fois il s'agit d'une expression synthétique, car la lecture de l'uniformité a nécessairement besoin de la lecture du fourmillement qui la construit pour se réaliser.
 

 
expression synthétique du paradoxe un / multiple :
chaque étage forme une bande unitaire, morcelée en de multiples petites niches (ici le cas de l'étage supérieur)
 

Le premier étage présente des ogives sous toitures qui contiennent de plus petites ogives sous toitures. La forme du "tout" (donc du "un") se retrouve par conséquent dans ses "muliples" divisions. Cette disposition d'auto-similarité d'échelle a été maintes fois analysée à l'occasion des exemples précédents, par exemple dans la présentation des fenêtres de type rayonnant.
Nous y reviendrons avec l'analyse du 4ème paradoxe à Wells, le "fait / défait", qui s'appuie lui-aussi sur cet effet.
 
 


Le 3ème paradoxe : regroupement réussi / raté

L'étage principal est complètement recouvert, tout comme celui du dessous, par une trame de niches recevant des statues. Mais certaines de ses surfaces échappent à ce systématisme et laissent voir entre de fines colonnes la nudité du mur de l'arrière plan. Les statues ne réussissent donc pas à regrouper dans leur trame toute la surface de la façade, bien que les arcades qui les abritent recouvrent la façade tout entière.
Il s'agit d'une expression analytique.
 

 
expression analytique du paradoxe regroupement réussi / raté :
l'étage principal est complètement recouvert d'arcades, mais certaines surfaces restent nues et ne recoivent pas de niches à statues.
Elles échappent ainsi à "l'effet de niche" qui regroupe l'ensemble de la surface
 

La surface de la façade est envahie par les niches sculptées organisées en bandes horizontales et verticales, mais le socle du bas reste étranger à cette trame sculptée, et sous cet aspect il ne se laisse pas rassembler avec les étages du dessus. Pourtant, si l'on oublie cette différence d'aspect de la surface, le socle reste bien groupé avec les étages qui le surmontent, car il partage avec eux les mêmes reliefs verticaux.
Le fronton central présente comme les étages du dessous une surface très sculptée, et sous cet aspect il se lit regroupé avec eux. Mais il n'en forme pas moins une pointe triangulaire qui échappe à l'empilement de tranches horizontales que dessinent les étages du dessous.
Tous ces effets sont de nature synthétique.
 

 
expression synthétique du paradoxe regroupement réussi / raté :
toute la surface est bien regoupée dans la modénature des reliefs verticaux (croquis de gauche),
mais le soubassement dénudé échappe à l'envahissement des sculptures, et le fronton échappe à la logique orthogonale du reste du bâtiment
 
 


Le 4ème paradoxe : fait / défait

Les contreforts font une trame régulière verticale que défait la lecture des étages horizontaux, puisque la lecture de ces étages contrarie une lecture "tranquille" des verticales.
Mais si la lecture des horizontales contrarie (et donc défait) la lecture des verticales pourtant fortement lisible (donc faite), cette incompatibilité de lecture fonctionne aussi en sens inverse, de telle sorte que la façade a beau être organisée en bandes horizontales fortement marquées, la lecture des contreforts verticaux défait constamment la lecture par étages pour suggérer plutôt la lecture d'une série de verticales.
L'instabilité de ces deux modes de lecture (par horizontales ou par verticales) et le fait que ce se soit précisément l'utilisation de l'un de ces modes qui nous entraîne à l'abandonner pour passer à l'autre, puis réciproquement, correspondent à l'insaisissabilité du caractère synthétique de cette expression paradoxale.
 

 
expressions synthétiques du paradoxe fait / défait :
la lecture des divisions horizontales défait la claire lecture des fronces verticales (croquis du haut),
et la lecture des fronces verticales défait la claire lecture des étages horizontaux (croquis du bas)
 

La bande horizontale que réalise chacun des étages à statues comporte :
     - une partie haute faite d'une imbrication complexe de formes qui se croisent et s'interpénètrent (quadrilobes et diagonales dans l'étage du bas) ou qui contrastent par leurs échelles différentes (petites ogives dans les grandes à l'étage du bas, petites arcades sur les grandes à l'étage du haut) ;
     - une partie basse uniforme faite de la monotone répétition horizontale de statues (à l'étage du bas) ou de la monotone répétition verticale de statues (à l'étage du haut), chaque fois encadrées par des colonne verticales lisses et sans modulation de section sur tout leur parcours.
Une complexité de formes est donc faite dans la frise haute de chaque étage, et défaite en dessous.
Les deux aspects sont dans des endroits séparés, portés par des formes distinctes, il s'agit donc d'une expression analytique.
 
L'imbrication des quadrilobes dans les zig-zags des couvertures au 1er étage est spécialement intéressante.
     - du fait de leurs formes en arrondis, les quadrilobes se lisent en relation avec les arrondis des ogives. Cette lecture participe donc d'une complexité de relations entre formes qui est "faite", puisque perceptible ;
     - mais on est aussi tenté de lire la frise continue que forment les quadrilobes et les zig-zags des toitures. La lecture de cette frise défait alors la complexité de relations des quadrilobes, et elle y substitue une simple régularité monotone.
Il s'agit cette fois d'une expression synthétique, puisqu'une perception détruit nécessairement l'autre.

L'imbrication des quadrilobes dans les zig-zags provoque un autre effet encore, lui aussi de nature synthétique : les zig-zags circulent entre les quadrilobes et défont leur bande, et inversement la lecture du groupe continu que forment les quadrilobes nécessite de lire "par surface", ce qui force à détruire en nous la lecture purement linéaire des zig-zags.
Nous aurions pu citer cet effet lors de l'analyse du "regroupement réussi / raté", puisque ce basculement entre les deux perceptions fait tour à tour réussir et rater le regroupement en bande des quadrilobes.
 

 
expression synthétique du paradoxe fait / défait :
une grande complexité de relations entre les formes arrondies est faite si on lit les arrondis des quadrilobes avec ceux des ogives (à gauche), elle est défaite si on lit les quadrilobes en bande (à droite)
 
expressions analytiques du paradoxe fait / défait :
la lecture "par surface" de la bande des quadrilobes (à gauche) est défaite par la lecture linéaire des zig-zags des toitures (à droite)
 

 
la relation complexe de tailles et de formes entre la grande ogive sous un grand toit et les petites ogives à petits toits qu'elle contient, se défait dans la lecture des colonnes qui est elle d'une régularité monotone : même épaisseur sur tout le trajet vertical, et répétition horizontale uniforme du rythme
 
 
Un sort à part doit être fait à l'étage du soubassement, car les deux aspects de cet effet paradoxal s'inversent selon le choix de lecture que l'on adopte.
Si l'on considère que ce que fait cette façade c'est la complexité d'une surface remplie de niches abritant des statues, alors cette complexité se défait dans le socle, puisqu'il n'arbore que la plus stricte nudité de sa surface.
Mais si l'on considère que ce que fait ce soubassement c'est la nudité tranquille d'une surface bien faite et bien nette, alors l'étage du dessus offre en comparaison une surface touffue et compliquée à lire, complication qui défait cette simplicité.
Dans les deux cas il s'agit d'une expression analytique puisque les deux termes du contraste sont portés par des surfaces différentes l'une de l'autre, mais si l'on considère l'étage principal ces deux types de surface se chevauchent, et c'est une expression synthétique qui procure un effet de type analogue :
 - cet étage est-il une simple surface nue que dérange partiellement des arcades remplies de statues qui viennent faire écran par-devant ?
 - ou est-ce une frise sculptée dont la continuité est défaite par des trous laissés vacants ?
 
 

 

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