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Sommaire Art
tableau historique
 
tableau des 16 paradoxes
avant :  
généralités sur le gothique rayonnant
suite :  
les chapiteaux et le triforium

 la transformation des fenêtres
en gothique rayonnant
 
 
 
 
 

Pour aller aux autres exemples de gothique rayonnant analysés :
 
     à transformation des chapiteaux et du triforium, de gothique classique en rayonnant
     à la flèche de la cathédrale de SENLIS
     à la rose du croisillon nord de Notre-Dame de PARIS
     à la façade de la cathédrale de WELLS
 
   le tableau qui résume l'évolution de la musique et de l'architecture pendant le moyen-âge
   les généralités sur les effets paradoxaux que l'on trouve dans l'architecture gothique rayonnante
 
 

Contrairement au passage bien marqué qui s'est fait entre le style roman et le style gothique, celui entre le gothique classique et le gothique rayonnant a été beaucoup plus discret, au point que ce style rayonnant est le plus souvent présenté comme le simple épanouissement du gothique initial, atteignant à cette occasion la plénitude de l'expression purement "gothique".

On peut évoquer deux raisons à cette absence de radicalité dans la rupture des formes.
D'une part, dans l'organisation même des corporations de bâtisseurs, dont l'éducation de maître à apprentis favorisait la transmission conservatrice des recettes, et donc des formes déjà éprouvées.
D'autre part, et cela est certainement beaucoup plus essentiel, la conservation des effets paradoxaux en jeu entre une époque et la suivante.
Ainsi que nous l'analyserons, ce sont bien quatre nouveaux effets paradoxaux qui sont à l'oeuvre dans le gothique rayonnant, mais en plus des quatre paradoxes dont nous présentons l'évolution, il existe d'autres niveaux de paradoxes que nous avons décidé par simplicité de ne pas traiter dans la présentation actuelle du site.
Or il se trouve que, parmi ces autres paradoxes du gothique classique, trois se retrouvent parmi les quatre paradoxes que nous allons découvrir dans le gothique rayonnant : le un / multiple, le regroupement réussi / raté, et le fait / défait.
Ayant déjà eu à s'adapter à l'expression de trois des quatre paradoxes fondamentaux du gothique rayonnant, les formes du gothique classique étaient donc bien préparées pour n'avoir que quelques modifications à supporter pour s'adapter au nouveau style.
Pour l'essentiel, la nouveauté viendra de l'abandon du paradoxe continu / coupé, qui impliquait des ruptures brutales dans les continuités que le nouveau style évitera, et de l'introduction du paradoxe intérieur / extérieur qui impliquera des subtilités de relations internes que ne connaissait pas le gothique classique.

Pour mieux faire ressortir l'originalité de chacun des deux styles et la façon dont le gothique rayonnant a recyclé les formes issues du gothique classique pour les incorporer dans de nouvelles relations, nous allons voir comment se transforment les éléments d'architectures employés de façon répétitive, tels que les fenêtres, les chapiteaux, et le triforium.
Nous commençons par les fenêtres.
 
 
 
 

la fenêtre à remplage du gothique classique
 
 

Longtemps le gothique classique s'est contenté de la forme en ogive pour ses fenêtres.
La fenêtre à remplage que nous envisageons apparu pour la première fois dans la chapelle axiale du choeur de la cathédrale de REIMS, cathédrale qui relève dans cette partie de la période classique du gothique.
 
La chapelle fut édifiée de 1211 à 1220, et le dessin reproduit ici est celui qu'en fit Villard de Honnecourt qui visita le chantier de Reims vers 1220/1230. 
[source de l'image : "l'art gothique" de W. Worringer, dans la colletion "idées/arts" de chez Gallimard -1967]  

Dans ce dessin extrait de son célèbre album, les fenêtres à remplage sont vues depuis l'extérieur (il en a fait une autre vue, cette fois depuis l'intérieur), et si l'on compare aux fenêtres réelles, on peut seulement noter que les chapiteaux sur lesquels s'appuient les ogives sont un peu plus discrets dans la réalité, y tranchant à peine la continuité de la colonne qui se continue pour former l'ogive. 
Ce type de fenêtre est dit à remplage, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas d'un trou dans le mur comme les fenêtres gothiques précédentes, mais que la fenêtre comporte un espèce de "squelette" en pierre fait de nervures assez équivalentes dans leur principe aux nervures qui forment un squelette d'ogives sous les voûtes. 

Puisque nous n'avons pas analysé ce type de fenêtre dans la partie consacrée au gothique classique, nous l'analysons brièvement maintenant. 

 
 

Le paradoxe synchronisé / incommensurable (expression analytique) :
Une forme qui se trace en rond, parvient à s'intercaler impeccablement entre des ogives qui se tracent verticalement.
 

 
 
Le paradoxe synchronisé / incommensurable (expression synthétique) :
Les bords inférieurs des alvéoles de la rosace s'arrêtent bien comme il faut tous ensemble, pour esquisser ce faisant un rond central que l'on perçoit bien régulier. Pourtant, pour venir ainsi suggérer ce rond parfait, les contours des alvéoles sont partis depuis des directions complexes et impossibles à repérer les unes par rapport aux autres.
 
 
 

Le paradoxe continu / coupé (expression analytique) :
La fenêtre forme une lance verticale continue de bas en haut, et la rosace marque dans cette progression une nette coupure, une étape qui s'intercale entre les ogives du bas et la grande ogive du haut.
 

 
 

Le paradoxe continu / coupé (expression synthétique) :
La rosace forme une couronne continue d'alvéoles, dans laquelle chacune de ces alvéoles marque une étape bien coupée de ses voisines.
 

 
 

Le paradoxe lié / indépendant (expression analytique) :
Les alvéoles de la rosace forment des petits ronds bien indépendants les uns des autres, mais ils sont attachés tous ensemble par la nervure ronde qui les cerne.
 

 
 

Le paradoxe lié / indépendant (expression synthétique) :
Les ogives du bas, la couronne arrondie et l'ogive du haut, sont des formes complètement autonomes les unes des autres, qui sont attachées les unes aux autres sur une partie de leur parcours.
 

 
 

Le paradoxe même / différent (expression analytique) :
Il faut différentes alvéoles (par ailleurs toutes les mêmes) pour faire une seule et même rosace.
 

 
 

Le paradoxe même / différent (expression synthétique) :
Les petites ogives et la grande ogive ont la même forme en ogive, mais elles sont de tailles très différentes, puisque l'une est le double des deux autres.
 

 
 
 
 

les fenêtres du croisillon nord de
l'abbatiale de SAINT-DENIS
 
 
 
Nous passons maintenant à l'évolution des fenêtres à remplage pendant la période dite rayonnante du gothique.
Bien souvent cette évolution consiste à répéter dans une même baie, mais à différentes échelles, la fenêtre de REIMS que l'on vient d'étudier.
C'est notamment le cas des fenêtres du croisillon nord de l'église abbatiale de SAINT-DENIS que nous allons prendre comme exemple principal, évoquant le moment venu des variantes à cette disposition.
Comme on l'a dit dans le texte présentant de façon générale la période rayonnante, c'est de cette rénovation entre 1231 et 1241 du choeur et du transept de l'église de SAINT-DENIS que l'on peut dater l'émergence du style proprement rayonnant.

Pour charger l'image de l'exemple analysé :   les fenêtres du croisillon nord de l'église abbatiale de SAINT-DENIS (France) - 1231 à 1241  (s'ouvre en principe dans une autre fenêtre)

Source de l'image utilisée :
"le gothique rayonnant" dans la collection "Architecture Mondiale" chez TASCHEN
De façon générale il peut d'ailleurs être signalé que cet ouvrage propose une iconographie de très bonne qualité et très pertinente.
 


Le  1er paradoxe : intérieur / extérieur

Nous trouvons la même forme de rosace/ogive, parfois en position intérieure à l'autre (puisque la petite est incluse dans la grande), parfois en position extérieure de l'autre (puisque la grande est au-dessus de la petite).
Il s'agit là d'une expression synthétique.
 

 
expression synthétique du paradoxe intérieur / extérieur :
la rosace d'une ogive est incluse à l'intérieur d'une ogive à rosace similaire qui l'enveloppe (croquis de gauche),
et dont la rosace est en position extérieure par rapport à la première ogive
 

Il existe plusieurs expressions analytiques de cet effet.
Les alvéoles d'une rosace définissent un intérieur (de la rosace) qui laisse au dehors (de la rosace) des morceaux de verrière. Remarquez que l'on peut dire aussi que ces morceaux laissés à l'extérieur sont par ailleurs à l'intérieur de l'arrondi qui cerne la rosace, mais il s'agit cette fois d'une expression synthétique, car sous cet aspect ces portions de verrière sont inséparablement en situation intérieure et en situation extérieure.
À plus grande échelle on retrouve le même principe : les ronds qui enveloppent les rosaces marquent des creux bien affirmés qui suggèrent la notion d'intériorité fermée, mais ils laissent au dehors des portions de verrière (dont on peut également dire que, par un autre aspect, ils sont aussi à l'intérieur de la grande ogive).
Enfin, à ces formes arrondies qui suggèrent la notion d'intériorité du fait de leur caractère clos, s'opposent les ogives du dessous qui proposent des arrondis qui sont ouverts par le dessous. Il y a donc une opposition entre des arrondis qui se referment sur un intérieur, et des arrondis qui s'ouvrent sur un extérieur à eux.
 

 
expressions analytiques du paradoxe intérieur / extérieur :
les rosaces définissent des enclos intérieurs (en grisé sur les 1er et 3ème croquis), qui laissent au dehors des morceaux qui sont pourtant à l'intérieur de la verrière (en grisé sur les 2ème et dernier croquis)
 
 
par ailleurs, les rosaces referment un intérieur clos, tandis que les ogives du dessous s'ouvrent sur l'extérieur
 
 
De même que le gothique classique a souvent usé de la forme de l'ogive, on peut dire que la forme en ogive trilobée est caractéristique du gothique rayonnant qui l'a beaucoup utilisée.
On donne comme exemple les fenêtres de la chapelle de la Vierge de l'église abbatiale bénédictine de Saint-Germer-de-Fly (près de Beauvais) construite entre 1259 et 1267.  (s'ouvre en principe dans une autre fenêtre)
Source de l'image utilisée : "le gothique rayonnant" dans la collection "Architecture Mondiale" chez TASCHEN

Sa disposition est tout à fait semblable aux fenêtres de SAINT-DENIS que nous étudions, sauf précisément pour ce qui concerne le trilobage des ogives de la rangée inférieure, ce qui a pour effet principal d'enrichir la participation de ce premier paradoxe de l'intérieur / extérieur.
Comme une ogive simple, cette forme se présente comme une forme non close, ouverte sur l'extérieur en dessous d'elle. Mais comme elle est décomposée en arcs de cercle qui rappellent les arcs de cercle des rosaces au-dessus, cela donne l'occasion d'inclure visuellement ces ogives trilobées dans le groupe de formes en arcs de cercle que suggèrent ces rosaces.
Ainsi, dans un ensemble unifié de formes en arcs de cercle, se séparent un groupe qui organise ces arcs en formes qui se referment de façon close sur un intérieur, et un groupe qui organise ces arcs en formes ouvertes sur leur extérieur.
La forme même d'un trilobe est remarquable, puisque par un aspect le lobe central est suffisamment refermé pour suggérer un espace intérieur qui lui soit interne, et puisque par un autre aspect ses branches restent suffisamment écartées l'une de l'autre pour laisser cet espace interne largement ouvert sur son extérieur. C'est donc un espace inséparablement intérieur et extérieur.
Ces deux effets apportés par l'ajout de trilobes dans les ogives du bas, sont des effets de nature synthétique.
 

 
expressions synthétiques du paradoxe intérieur / extérieur apportées par les trilobes :
l'ensemble homogène des formes en arcs de cercle (ci-dessus à gauche)
mélange des formes qui se referment sur un intérieur, et des formes qui s'ouvrent sur un extérieur
 
 
chaque trilobe possède un espace interne ouvert sur l'extérieur
 
 
 
 

Le 2ème paradoxe :  un / multiple

Chaque rosace dessine une forme centrée bien unitaire : elle est cernée d'un rond et elle est centrée sur un rond que souligne le dessin des vitraux. Simultanément, elle est faite de multiples alvéoles bien séparées les unes des autres.
De la même façon, chaque bande de vitrage formant la moitié inférieure de chaque grande fenêtre forme précisément "une bande" qui s'étale uniformément sur toute la surface, mais simultanément on repère aisément que cette bande est faite de l'assemblage de multiples rectangles verticaux qui se détachent l'un de l'autre dans leur partie haute, là où ils se séparent pour chacun former une ogive distincte.
Ces deux expressions sont analytiques.
 

 
expressions analytiques du paradoxe un / multiple :
chaque rosace a une forme bien unitaire qui rassemble de multiples alvéoles (croquis de gauche).
Les "mulitples" ogives forment ensemble "une" bande unitaire
 

Une expression synthétique correspond à l'impossibilité que l'on a de percevoir une rosace sans être attiré simultanément par la perception du groupe de trois rosaces étroitement accolées auquel elle appartient. "Un" groupe de "trois" rosace : nous percevons nécessairement en même temps le un et le multiple. 
Plus essentielle à remarquer comme expression synthétique, est l'organisation comportant une "auto-similarité d'échelle". Cette notion d'auto-similarité d'échelle est une notion mathématique fréquemment évoquée depuis quelques années à propos des formes dites "fractales". Elle se réfère à des formes dont la forme d'ensemble se retrouve dans chacune des divisions de cette forme. [nota : cette notion est expliquée avec des exemples dans la partie mathématique du site - ce lien s'ouvre en principe dans une autre fenêtre]
Ici, si nous considérons la forme d'ensemble, nous pouvons la définir comme une grande ogive (celle qui est à la limite entre la fenêtre et la voûte) comportant sous son sommet une rosace, et se divisant en deux ogives accolées sous cette rosace. Si nous considérons maintenant chacune de ces deux divisions de la grande ogive, nous voyons que chacune des deux ogives qui la composent comporte à son sommet une rosace, et qu'elle se divise elle-même en deux ogives accolées sous cette rosace.
Cet effet relève du "un / multiple", car il implique que les multiples divisions du "un", c'est-à-dire de l'ensemble, ne soient pas différenciables de ce "un" d'ensemble.
Cet effet n'a pas été évoqué à l'occasion du paradoxe intérieur / extérieur, mais on aurait pu l'évoquer, car ce type de forme "auto-similaire" (car similaire à elle-même dans ses propres parties), signifie qu'à l'intérieur de la forme on retrouve la forme extérieure, que l'on retrouve donc l'extérieur à l'intérieur.
 

expression synthétique du paradoxe un / multiple :
on ne peut percevoir le groupe compact et unifié des trois rosaces (à gauche) sans percevoir simultanément sa division en trois entités
 
 
autre expression synthétique du paradoxe un / multiple :
la forme de l'unité d'ensemble se retrouve dans ses multiples divisions. Le un est donc dans le multiple.
Cette caractéristique est celle des formes dites "autosimilaires" ou "fractales". Dans l'exemple de Lincoln ci-dessous, cet effet se répète sur une échelle supplémentaire de divisions
 
 
Dans la fenêtre de SAINT-DENIS cette division en multiples parties (d'une unité) que l'on ne peut pas différencier de l'unité, ne se fait que sur une étape. On peut citer la grande verrière qui occupe toute la façade du "choeur des anges" de la cathédrale de LINCOLN en Angleterre (1256 à 1280), qui répète elle cet effet sur une étape supplémentaire.
Cette verrière a en effet la forme d'une grande ogive qui comporte sous son sommet une rosace et qui se divise en deux ogives. Chacune de ces deux ogives qui la divisent comporte sous son sommet une rosace et se divise elle-même en deux ogives. Et pour finir chacune de ces deux ogives qui divisent la plus grande ogive comporte sous son sommet une rosace et se divise elle-même en deux ogives.
Source de l'image utilisée : "Architecture Gothique" chez Gallimard/Electa dans la collection "Histoire de l'Architecture"
 
 

 


Le 3ème paradoxe : regroupement réussi / raté

Comme on l'a évoqué pour le paradoxe un / multiple, les trois rosaces parviennent à former ensemble un groupe visuellement très évident. Mais comme on l'a évoqué cette fois pour le paradoxe intérieur / extérieur, ce groupe ne parvient pas à rassembler toute la surface de la partie haute du vitrage, et il laisse en dehors de lui des "restes" de verrière qui "comblent les trous".
De la même façon, chaque rosace se forme par le rassemblement réussi de multiples alvéoles en couronnes, mais la forme de ces alvéoles laisse entre elles des restes de verrière qui n'ont pas réussi à s'agglomérer à l'intérieur de la rosace. Pourtant, ces restes qui ont raté leur rassemblement dans la rosace, réussissent à se faire voir amalgamés à elle, puisqu'avec elle ils sont cernés par un rond qui empaquette l'ensemble de façon bien serrée.
Abandonnant les surfaces vitrées, on peut aussi se concentrer sur les remplages en pierre qui cernent les vitrages : les ogives du bas se lisent accolées aux rosaces, donc regroupées avec elles, mais en même temps on ne les ressent pas comme appartenant au groupe des trois rosaces.
Tous ces effets ont un caractère synthétique, car pour percevoir le ratage il faut faire surgir l'effet de groupement, et c'est la perception de ce groupement réussi qui simultanément le fait voir partiellement raté.
 

 
expressions synthétiques du paradoxe regroupement réussi / raté :
les rosaces sont réunies en un groupe très compact (en haut à gauche) qui ne réussit pas à rassembler des morceaux qui sont pourtant regroupés dans la verrière mais qui restent au dehors de leur groupe (en grisé sur le croquis en haut à droite).
Chaque rosace réussit à regrouper toutes ses alvéoles dans une même forme en fleur (croquis du bas à gauche), mais cette fleur échoue à regrouper des "restes de verrière" qui sont pourtant regroupés avec elle à l'intérieur d'un même rond (en grisé sur croquis du bas à droite)
 

L'effet analytique s'appuie également sur la forte impression de regroupement des trois rosaces, mais le ratage de ce regroupement se perçoit d'une autre façon : chaque rosace se lit comme partie du paquet de trois qu'elle forme avec ses voisines, mais elle se lit aussi comme partie d'une ogive dont elle occupe le sommet. Si on la lit dans son ogive propre, nécessairement on la sépare de son groupe, et dans cette lecture elle n'est donc plus groupée avec les autres.
 

 
 
expression analytique du paradoxe regroupement réussi / raté :
si on lit "par rosaces", le groupement des trois rosaces apparaît bien compact, donc bien réussi,
mais si on lit "par ogives" ce groupement se défait
 
 


Le 4ème paradoxe : fait / défait

La compréhension de ce paradoxe nécessite d'avoir à l'esprit "ce qui se fait". Ici, ce qui se fait, c'est une organisation de formes, et l'on peut rappeler que dans cette étape on est précisément dans l'une des "étapes de l'organisation" du "cycle de l'organisation" [ce lien s'ouvre en principe dans une autre fenêtre].
Or, une forme organisée, c'est une forme qui présente en son sein des différences qui jouent les unes par rapport aux autres. Par exemple, elle peut présenter l'organisation d'une hiérarchie interne de tailles (des petites qui se différencient des grandes) ou l'organisation d'une hiérarchie d'inclusion : certaines formes se distinguent des autres parce qu'elles les contiennent.
L'analyse de tous les paradoxes précédents nous a montré l'importance ici de cet effet de hiérarchie de tailles et d'inclusion, et c'est précisément cela qui "se fait" dans cette forme. Défaire cela, c'est par conséquent supprimer tout effet de hiérarchie de tailles ou d'inclusion, et de façon générale supprimer toute la complexité des effets d'arrondis qui servent à faire voir cette organisation de formes. Ce qui se fait c'est donc la hiérarchie d'effets courbes imbriqués qui se différencient les uns des autres par leurs tailles, la défaire c'est donc faire des formes monotonement rectilignes, monotonement de la même taille, et monotonement simplement juxtaposées les unes à côté des autres.
Ainsi, une complexe organisation de formes se fait dans la  moitié supérieure de la fenêtre, tandis qu'elle se défait complètement dans sa moitié inférieure : c'est de façon très uniforme que les ogives descendent verticalement (ou montent, selon le sens de notre lecture), dessinant des traits verticaux sans aucune modulation ni de trajet ni d'épaisseur, et de façon très uniforme aussi que les ogives se répètent horizontalement les unes à côté des autres, sans aucune variation de taille ni de forme.
Ce qui est essentiel ici ce n'est pas la rectitude, c'est l'uniformité de l'usage qui est fait des traits verticaux et de la répétition en bande horizontale. Car l'uniformité peut aussi s'exprimer par une forme courbe, dès lors par exemple qu'il s'agit d'un rond "uniformément rond", comme celui qui entoure chaque rosace : à la complexité de l'assemblage des petits pétales arrondis bien marqués qui se regroupent autour d'un plus grand rond seulement suggéré, il oppose son "simple rond uniforme". Le rond qui cerne chaque rosace défait donc la complexité qui se fait à son intérieur.
Tous ces effets relèvent d'une expression analytique, car on peut clairement séparer les formes qui font et celles qui défont.
 

 
expressions analytiques du paradoxe fait / défait :
une complexité de formes est faite dans la moitié supérieure de la verrière (croquis du centre en haut). Elle est défaite dans sa moitié inférieure, qui ne propose qu'une monotone répétition horizontale de traits monotonement verticaux (croquis du centre en bas).
Chaque rosace (croquis de droite en haut) combine une forme complexe bien faite (croquis de droite médian), et un cerne rond qui défait cette complexité (croquis de droite en bas)
 

Par différence avec l'expression analytique, dans l'expression synthétique de ce paradoxe c'est la même forme qui fait et qui défait.
En l'occurrence, il s'agit de la forme des rosaces, et l'on revient à nouveau sur l'effet de leur "groupement à trois" réussi, et sur le ratage de ce groupement dès lors que l'on considère non plus le groupe qu'elles forment mais l'ogive dans laquelle chacune se blottit.
Il s'agissait de l'effet analytique du paradoxe regroupement réussi  / raté, et dans le cas du paradoxe fait / défait ce groupe intervient au contraire dans l'expression synthétique. L'effet provient ici de la presque égalité de tailles entre les trois rosaces, que renforce la perception de leur "mise en groupe". Celle du haut étant presque de même taille que ses voisines du dessous, lorsque l'on perçoit leur groupe de trois on néglige cette légère différence, et l'on voit "un paquet de trois ronds similaires contenant des pétales". Quant au contraire on oublie ce paquet qu'elles font et qu'on lit chaque rosace avec l'ogive qui l'abrite, alors une claire hiérarchie se lit entre elles, car celle du haut appartient à une ogive qui est deux fois plus large que les deux autres, une ogive qui de plus "contient" les deux autres. Dans cette lecture la rosace du haut devient la rosace majeure qui domine les deux autres, et celles-ci deviennent des rosaces subordonnées qui appartiennent à une sous division de la forme à laquelle appartient la grande rosace.
Si on lit donc les rosaces dans les ogives, l'organisation des relations hiérarchiques entre elles est faite, mais dès qu'on lit les rosaces "en paquet", cette organisation de relations se défait, et on ne lit plus que trois rosaces similaires "platement" côte à côte.
 

 
expression synthétique du paradoxe fait / défait :
si l'on perçoit les rosaces dans les ogives, s'établit de fortes relations de tailles et d'inclusion / exclusion (il y a la grande et les deux fois plus petites, et les petites sont dans la grande).
Ces relations se défont si l'on néglige leur appartenance aux ogives pour ne considérer que le groupe que forment les rosaces : elles sont de taille presque identique et sont platement côte à côte, non pas les unes dans les autres
 
 


 

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