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colonne sans fin



Brancusi : colonne sans fin

Cette colonne fut édifiée en 1937/1938 à Tirgu Jiu en Roumanie, dans la province natale de Brancusi.
Elle est haute de 30 mètres, et fut réalisée module par module, en fonte métallisée de cuivre jaune.
Avant d'avoir l'occasion de réaliser cette colonne en métal, Brancusi en avait réalisé de nombreuses, taillées dans le bois.
[source de l'image : photographie extraite de "Brancusi - L'inventeur de la sculpture moderne" de la collection Découvertes Gallimard]

Nota : si vous souhaitez mieux repérer l'étape de l'histoire de l'art à laquelle correspond Brancusi, vous pouvez afficher ci-contre le découpage des étapes qui précèdent la période contemporaine, sachant que par convention cette étape est numérotée D0-24.
Vous pouvez aussi consulter le tableau récapitulatif [il s'ouvre dans une fenêtre qui lui est réservée] qui indique en détail l'évolution des paradoxes dans toute l'histoire de l'art.
Par situer l'étape D0-24 de Brancusi par rapport aux autres artistes analysés dans ce prélude initiatique, indiquons qu'elle vient juste après celle qui concerne Matisse, et juste avant celle qui concerne Niemeyer et Magritte.



le paradoxe de transformation principal : fait / défait

voir la colonne  La forme alterne sans cesse ce qu'elle fait avec son contraire : un temps elle fait l'évasement, au temps suivant elle le défait et fait le rétrécissement à sa place, au temps encore suivant elle refait l'évasement, puis elle le redéfait aussitôt en faisant à nouveau son contraire exact, etc.
Sans fin donc, la colonne fait puis défait, l'évasement ou le rétrécissement.
Il s'agit de l'expression s9p15 du "fait / défait".
BrancusiblancBrancusiBrancusi


voir la colonne  C'est sans fin, sauf que cela finit, et brutalement encore.
Pendant tout le parcours de la colonne, l'alternance de l'évasement et du rétrécissement est faite, mais soudain elle se brise et tout s'arrête.
Il s'agit de l'expression a14p15 du "fait / défait".


voir la colonne  Au lieu de considérer pas à pas le mouvement d'alternance entre l'évasement et le rétrécissement, et pour éviter l'aspect rapidement épuisant de cette lecture, on peut être tenté de lire ensemble toutes les formes qui s'évasent les unes au-dessus des autres, et toutes les formes qui se rétrécissent les unes au-dessus des autres.
Cette fois, nous devons croiser dans notre perception la répétition de l'évasement et la répétition du rétrécissement qui se superposent sur la même figure.
Dans ce croisement, ces deux effets se combattent et finalement s'annulent : ils se détruisent mutuellement.
Il s'agit de l'expression s6p15 du "fait / défait".


voir la colonne  Dans son détail à grande échelle, chaque tronçon qui construit la colonne a les flancs très légèrement courbés, ses angles saillants horizontaux sont à peine marqués, et ceux verticaux le sont très nettement.
Le pli creux qui sépare deux éléments successifs est lui parfaitement marqué.
On dispose ainsi de trois intensités dans la vigueur de la forme : le pli creux entre chaque élément et les angles verticaux sont nettement faits, l'angle qui marque la séparation entre la fin de chaque évasement et le début de chaque rétrécissement est un peu nettement moins fait, quant à la courbure des flancs des éléments, elle est tellement peu faite que l'on ne sait pas bien distinguer s'il existe vraiment une courbure ou si les flancs doivent être considérés comme plans.

Si maintenant on veut opposer les flancs aux plis (saillants ou rentrants) qui les séparent et à leurs arêtes verticales :
        - on peut dire que ces plis et arêtes sont toujours nettement faits, puisque l'on peut toujours clairement désigner sur quelle ligne se fait le changement d'inclinaison et d'orientation des flancs,
        - tandis que les flancs de leur côté sont très mal faits, dans le sens où leur forme est si peu affirmée qu'on ne peut même pas clairement décider s'ils sont plans ou s'ils sont bombés. Leur bombement est bien là, mais il est très timide, à peine fait.

Si l'on oppose cette fois les plis entre eux :
        - on peut dire que les creux qui séparent les éléments ont leur pli toujours nettement fait, nettement affirmé, et il en va de même des arêtes verticales toujours bien marquées,
        - tandis que les arêtes saillantes horizontales sont très molles en comparaison, très mal faites du point de vue de la netteté du pli qu'elles effectuent.
Il s'agit de l'expression s14p15 du "fait / défait".


voir la colonne  Pour en finir avec ce paradoxe, nous pouvons considérer l'apparition que fait cette colonne dans le paysage : elle dessine un rythme très régulier, qui s'impose à l'évidence comme le produit d'une fabrication humaine, et cette scansion "fabriquée", et même d'allure plutôt "préfabriquée", contraste avec la diversité du paysage naturel environnant, et en particulier avec l'absence de régularité des nuages changeants contre lesquelles elle dessine son rythme immuable.
Par rapport à cette oeuvre tellement régulière qu'elle est à l'évidence "faite" par des humains, la nature s'affirme comme son contraire, c'est-à-dire libre de régularités, vague, décousue, instable.
Il s'agit de l'expression s7p15 du "fait / défait".




premier paradoxe de transformation secondaire : synchronisé / incommensurable

voir la colonne  Les écarts que rythment les tronçons qui se succèdent sont parfaitement réguliers. Ils sont donc parfaitement synchronisés entre eux.
Mais pour s'apercevoir de cette régularité, il faut renoncer à lire les tronçons l'un après l'autre, et il faut jeter un coup d'oeil d'ensemble rapide à la colonne. Quant on lit ainsi d'un coup d'oeil leur longue enfilade, on saisit l'égalité régulière des morceaux qu'ils forment, mais on est incapable de garder en nous la perception d'un tronçon isolé, car il y a une trop grande différence de taille entre chaque tronçon et la longueur d'ensemble de la colonne.
Bref, la régularité, pour se lire, nous oblige à mettre en rapport de façon répétée la longueur de chaque tronçon avec la vision d'ensemble de la colonne, et ces deux données sont incommensurables pour notre perception qui supporte mal leur trop grande différence de taille.
Il s'agit de l'expression s11p8 du "synchronisé / incommensurable".
BrancusiBrancusi


voir la colonne  Un temps la forme s'évase, un temps la forme se rétracte, un temps la forme s'évase, etc.
Tout comme la perception de courbes concaves et convexes, notre corps ne peut garder simultanément en mémoire la sensation en lui d'une forme qui s'évase et celle d'une forme qui se rétracte : il faut abandonner la perception de l'une pour commencer celle de l'autre. Puisqu'on ne peut les percevoir en même temps, nous ne pouvons donc commodément mesurer ces deux types de formes l'une par rapport à l'autre. Elles sont par conséquent incommensurables l'une avec l'autre.
À l'opposé, nous lisons très facilement la régularité de leur alternance, et donc le parfait synchronisme selon lequel, tout au long de la colonne, ces formes incommensurables l'une pour l'autre se remplacent à tour de rôle.
Il s'agit de l'expression s12p8 du "synchronisé / incommensurable".
BrancusiBrancusi


voir la colonne  Il est étonnant que des formes si éloignées les unes des autres, perdant tout contact les unes avec les autres, parviennent pourtant à garder le même rythme d'un bout à l'autre de cette si longue enfilade.
Il s'agit de l'expression s9p8 du "synchronisé / incommensurable".


voir la colonne  Cette colonne si mince qui monte si haut nous coupe le souffle, car l'on se demande comment elle peut ainsi tenir aussi droite.
En même temps que l'étonnement que nous procure cet effet vertical, nous frappe la régularité de son rythme.
Il s'agit de l'expression a15p8 du "synchronisé / incommensurable".




deuxième paradoxe de transformation secondaire : continu / coupé

voir la colonne  Il s'agit d'une colonne verticale continue, constamment coupée par les plis en creux qui séparent chacun de ses tronçons.
Il s'agit de l'expression a10p9 du "continu / coupé".
BrancusiBrancusi


voir la colonne  Elle est générée par la répétition continuelle d'une même forme de tronçon, chaque retour de cette forme marquant une étape bien séparée dans cette répétition continuelle.
Il s'agit de l'expression s11p9 du "continu / coupé".
Brancusi


voir la colonne  La colonne est excessivement longue, elle continue excessivement haut son trajet.
Puis elle se coupe brusquement, et s'interrompt. À mi-hauteur de l'un des tronçons et au moment de son expansion la plus large, pour mieux affirmer la brutalité et la soudaineté de cette coupure.
Il s'agit de l'expression s1p9 du "continu / coupé".




troisième paradoxe de transformation secondaire : lié / indépendant

voir la colonne  Dans cette forme de bâton vertical qu'ils forment ensemble, chaque tronçon se laisse percevoir avec sa forme indépendante, nettement isolable visuellement.
Il s'agit de l'expression a15p10 du "lié / indépendant".
BrancusiBrancusi


voir la colonne  Les deux morceaux qui forment chaque tronçon font des choses bien indépendantes l'un de l'autre, puisque l'un s'évase, tandis que l'autre à l'inverse, se rétrécit.
Mais ces deux effets contraires sont tous les deux liés à une même forme qu'ils partagent, et qui est simplement retournée en symétrique pour obtenir chacun d'eux.
Il s'agit de l'expression a16p10 du "lié / indépendant".
Brancusiblanc Brancusi


voir la colonne  Quand la forme s'évase, c'est qu'elle se sépare du reste de la colonne, qu'elle cherche à prendre son indépendance, et quand elle se rétrécit, alors c'est qu'elle se relie à nouveau au reste de la colonne, qu'elle renoue son attache avec elle.
Il s'agit de l'expression a9-1p10 du "lié / indépendant".
Brancusiblanc Brancusi


voir la colonne  Si l'on considère maintenant les tronçons dans leur entier, on remarque alors qu'ils sont liés entre eux par leur forme absolument identique, et qu'ils forment donc un groupe de formes semblables.
Mais, dans ce groupe, ils sont bien individualisables isolément les uns des autres, puisqu'ils ne sont pas mélangés indistinctement dans un paquet uniforme, mais bien étagés les uns au-dessus des autres.
Il s'agit de l'expression s11p10 du "lié / indépendant".
BrancusiBrancusi





le paradoxe d'état dominant : rassembler / séparer

voir la colonne  Les tronçons sont bien séparés les uns des autres, et ils se rassemblent dans un même alignement de colonne.
Il s'agit de l'expression a15p7 du "rassembler / séparer".
BrancusiBrancusi


voir la colonne  Les tronçons bien séparés se rassemblent dans un ensemble de formes identiques.
Il s'agit de l'expression a11p7 du "rassembler / séparer".
Brancusi


voir la colonne  La division de la colonne en multiples tronçons séparés, est ce qui donne son unité plastique à  la colonne, ce qui la rassemble dans un même effet qui se répète imperturbablement du bas  jusqu'en haut.
Il s'agit de l'expression s16p7 du "rassembler / séparer".


voir la colonne  Sur sa partie basse, chaque tronçon se sépare de la colonne, et sur sa partie haute, il se  rassemble à nouveau avec elle.
Il s'agit de l'expression a4p7 du "rassembler / séparer".
Brancusiblanc Brancusi


voir la colonne  Chaque tronçon se resserre en haut et en bas pour s'accoler à celui du dessous et à celui du  dessus.
Ce resserrement ramasse le volume, dans le sens où il le réduit, ou il "l'étrangle" en rassemblant ses bords le plus étroitement possible les uns des autres, ce qui a pour effet simultané  de bien séparer ce volume du volume suivant. Bref, ce qui rassemble est aussi ce qui affirme  la séparation, ce qui l'accuse.
Il s'agit de l'expression s12-1p7 du "rassembler / séparer".




premier paradoxe d'état dominé par le rassembler / séparer : ouvert / fermé

voir la colonne  Par en bas la colonne butte contre la terre : son parcours est fermé de ce côté ci.
Par en haut elle pourrait se prolonger . . . sans fin. Son parcours est donc ouvert de ce côté-là.
Il s'agit de l'expression a2-1p4 du "ouvert / fermé".


voir la colonne  Si l'on considère chaque tronçon individuellement, on observe qu'il butte en haut et en bas contre un autre tronçon.
Pourtant, l'ensemble forme une colonne qui monte jusqu'au ciel.
Bien que formée d'éléments qui tous s'arrêtent en butant contre leurs voisins, la colonne sait donc les rassembler dans un trajet que l'on peut suivre des yeux du bas jusqu'en haut.
Il s'agit de l'expression a11p4 du "ouvert / fermé".


voir la colonne  La partie inférieure de chaque tronçon sort du volume central de la colonne, tandis que sa partie supérieure referme le tronçon en venant rebuter contre l'axe de la colonne.
Il s'agit de l'expression a6-1.bp4 du "ouvert / fermé".
Brancusiblanc Brancusi




deuxième paradoxe d'état dominé par le rassembler / séparer : ça se suit / sans se suivre

voir la colonne  Les différents tronçons se suivent l'un sur l'autre.
Mais un étranglement les sépare systématiquement, les coupe les uns des autres. De ce fait, ils ne se suivent donc pas.
Il s'agit de l'expression s10p5 du "ça se suit / sans se suivre".


voir la colonne  Faut-il lire une colonne unique qui monte au ciel, ou faut-il lire un empilement de tronçons bien séparés ?
Dans un cas, notre regard suit le trajet de la colonne de bas en haut. Dans l'autre, il se contente d'isoler chaque tronçon et ne suit aucun trajet.
Il s'agit de l'expression a7p5 du "ça se suit / sans se suivre".
BrancusiBrancusi


voir la colonne  La surface de la colonne se poursuit en continu depuis le bas jusqu'en haut, et cela sans aucun manque, sans aucun trou.
Mais à chaque changement de tronçon, la surface connaît un brusque changement de direction  - elle se met soudain à d'élargir alors qu'avant elle se rétrécissait -, de telle sorte que ses plans successifs ne se suivent pas.
Il s'agit de l'expression s9p5 du "ça se suit / sans se suivre".


voir la colonne  Donc les tronçons se suivent en continu les uns au-dessus des autres, et cela longuement sur toute la hauteur de la haute colonne.
Oui mais soudain la colonne s'interrompt, à mi-parcours de l'un des tronçons, ce qui veut dire très précisément qu'alors il n'y a plus rien qui suit, même pas la fin de ce tronçon.
Il s'agit de l'expression s2p5 du "ça se suit / sans se suivre".




troisième paradoxe d'état dominé par le rassembler / séparer : homogène / hétérogène

voir la colonne  La surface des tronçons est régulière, lisse : elle est homogène.
Les plis en creux qui séparent les tronçons forment au contraire une brutale hétérogénéité dans le volume de la colonne, et il en va de même des arêtes verticales qui séparent nettement les faces de chaque tronçon.
Il s'agit de l'expression a3p6 du "homogène / hétérogène".


voir la colonne  Chaque tronçon, avec ses plis fortement marqués qui forment sa base, son sommet et ses arêtes verticales, forme une unité hétérogène qui tranche, qui se distingue dans l'ensemble de la colonne.
Mais en même temps cette hétérogénéité locale se répète de façon régulière, ce qui donne finalement à l'ensemble l'allure d'une colonne à la forme très homogène, puisque toujours identique depuis le bas jusqu'en haut.
Il s'agit de l'expression a11p6 du "homogène / hétérogène".

dernière mise à jour : 4 octobre 2006

 
 
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