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fiche de synthèse : 4ème ligne, 1ère colonne
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L'idée :       (vaut pour les 4 étapes de la 4ème ligne du tableau) 
Lorsqu’un tourbillonnement fluide ne parvient plus à faire grandir ses structures :
- d’abord il se referme sur lui-même, transformant en système clos les hiérarchies de petits tourbillons dans les grands qu’il avait précédemment construites,
- ensuite, il tord ses tourbillons pour leur permettre de résister à la dislocation,
- ensuite encore, il doit accepter leur brisure, mais il se débrouille pour les organiser de façon à retrouver périodiquement la même structure, et donc à conserver, sous cet aspect, une forme de permanence dans le temps,
- enfin, lorsqu’il doit renoncer à l’organisation régulière du détail de son flot qui se défait en de multiples turbulences chaotiques, il en profite pour recréer, sous la forme d’une régularité statistique, les structures de grandes échelles qui étaient les siennes au moment où il s’est refermé sur lui-même.
En échange de la continuité de son flot à laquelle il a dû renoncer, le tourbillonnement a donc gagné, sous forme d’une conservation statistique, la permanence définitive de sa structure, car celle-ci est désormais capable de résister à tout surcroît de dynamisme qui ne peut que la durcir davantage dans cet état.
 
L'idée est que dans certaines circonstances historiques, le même type d'évolution peut s'observer dans les relations humaines : lorsque la dynamique économique devient tellement impétueuse qu’elle devient globale et ne peut croître davantage, les structures anciennes se déforment d’abord pour résister, puis elles se disloquent, mais, comme elles correspondent à des circuits fondamentalement efficaces et nécessaires, elles réapparaissent finalement sous une nouvelle forme éclatée. Une forme qui peut apparaître chaotique et instable dans le détail, mais qui est parfaitement régulière et permanente à grande échelle. 
L'histoire de l'art garde la trace de cette évolution, car chaque étape de cette évolution repose sur une situation contradictoire (paradoxale) qui est l'enjeu principal que l'artiste s'efforce de saisir à travers son art : afin de se comprendre lui-même, et afin de comprendre sa place dans la société et par rapport à l'ensemble de l'univers.
 
Les 4 étapes de l'évolution du phénomène physique qui mène des rouleaux tourbillonnants continus à leur réapparition statistique dans un tourbillonnement devenu chaotique (l'expérience de Couette-Taylor) :
0
1
2
3
Les petits tourbillons spiralant en sens inverses à l'intérieur d'un grand tourbillonnement forment désormais un système fermé qui va, par la suite, se déformer sur lui-même (stade des rouleaux de Taylor)
Du fait de ses différences de vitesse interne, chaque tourbillon se déforme et se met à onduler. Toutefois, chacun demeure continu et n'échange pas de parcelles fluides avec ses voisins (stade des rouleaux ondulés)
À plus grande vitesse, les rouleaux se brisent et s'interpénètrent, mais leurs agencements restent réguliers puisqu'ils se reforment de façon périodique ou quasi-périodique (stade des rouleaux modulés)
Finalement, à vitesse encore plus grande, les rouleaux perdent toute continuité, les parcelles fluides circulant en désordre apparent de l'un à l'autre, mais, simultanément à ce désordre dans le détail du tourbillonnement, la forme des rouleaux horizontaux initiaux réapparaît statistiquement (stade chaotique)
 
Le phénomène physique caractéristique de la 1ère étape de cette évolution :
À l'issue des 4 étapes précédentes, de grands tourbillons s’étaient formés, englobant de plus petits qui tournent en sens contraires les uns des autres. Ces grands tourbillons, bien que dotés d’un intérieur clairement délimité par une frontière externe, restaient totalement ouverts sur la dynamique du fluide extérieur qui les traversait de part en part.
La nouvelle étape n’est rien d’autre, ni rien de plus, que la fermeture complète de cette frontière, fermeture qui est due au fait que les tourbillons ne peuvent grandir davantage, c’est-à-dire que, compte tenu de la viscosité du fluide, il ne peut pas créer un niveau supplémentaire de hiérarchie de tourbillons.
Même s'ils ne sont pas passés par le stade des tourbillons ouverts, les rouleaux horizontaux spiralant dans un appareil de Couette-Taylor (un liquide enfermé entre deux cylindres dont l’un est mis en rotation) correspondent, de fait, à ce stade, puisque ces paires de tourbillons spiralant en sens inverses forment ensemble un grand tourbillonnement qui est refermé sur lui-même et qui ne peut pas grandir.
 
expérience de Couette-Taylor : le stade de la formation des "rouleaux de Taylor"
[ image extraite du site de Richard M. Lueptow (http://www.mech.northwestern.edu/fac/lueptow/TC_Rich_new.html) ]
 
Quel est le remarquable de cette situation ? :
Cette étape inaugure une série d’évolutions lors de laquelle le tourbillonnement n’effectuera plus aucun échange avec son milieu extérieur, mais où il se déformera sur lui-même de plus en plus fortement au fur et à mesure que ses différentes parties seront soumises à des différences de plus en plus grandes.
Le nom donné au paradoxe qui caractérise cette situation :   un / multiple
Pourquoi ? : Ce tourbillonnement réagit comme un flot unique, refermé sur lui-même et qui tourne en rond sur lui-même, tandis que, simultanément, il se comporte comme un ensemble de multiples tourbillons en rouleaux également refermés sur eux- mêmes et tournant en rond sur eux-mêmes. On ne sait donc si l'on doit décrire cette situation comme celle d'un énorme tourbillonnement ou comme la somme de multiples tourbillonnements, d'autant que cette ambiguïté se retrouve au niveau des paires de rouleaux dont on ne sait dire s'il s'agit, chaque fois, d'une paire de rouleaux, ou de deux rouleaux associés.
 
 
 
Dans certaines situations, le fonctionnement de la société humaine présente des analogies avec celui de ce phénomène physique. Cela peut se lire dans l'art, car les artistes se sont alors efforcé de mettre à nu les relations paradoxales qu'il implique entre chaque individu et le reste de sa société : chacun ressent le morcellement et l'atomisation de la société en groupes de plus en plus isolés les uns des autres, et la façon dont chacun de ces groupes fonctionne comme un microcosme unifié et unificateur. Cela peut notamment se ressentir dans les connaissances, de plus en plus atomisées en disciplines spécialisées séparées, et alors que chacune d'elles prétend proposer, à elle seule, un éclairage cohérent et unifié sur l'ensemble de la réalité. Ainsi, l'une revendiquera, par exemple, "une vision mathématique" de la réalité, une autre "une vision psychologique", une autre "une vision sociologique", etc.
 
Comment ce paradoxe  "un / multiple" se manifeste dans les arts visuels et dans l'architecture :
Expression analytique (ses 2 aspects incompatibles sont séparés dans notre perception) :
L'oeuvre se présente dans une forme très unitaire, soit par sa compacité, soit par son uniformité de traitement, et par ailleurs elle est morcelée en parties bien séparées ou qui font nettement saillie chacune individuellement.
l'extension du Musée Juif de Berlin de Libeskind possède une forme extrêmement compacte (dessin de gauche),
mais cette forme se décompose en multiples plis qui s'individualisent (dessin de droite)
les "folies" (ici représentées par des carrés) du parc de la Villette à Paris de Tschumi forment un ensemble éclaté sur toute la surface du parc,
mais par leur répétition et leur style uniforme elles rappellent en chacun de ses points l'unité foncière du parc,
cela malgré la grande dispersion du parc et la diversité de ses lieux
 
Expression synthétique (ses 2 aspects incompatibles sont inséparables dans notre perception) :
La perception de ce qui fait l'unité ou l'unification stylistique de la forme, nous fait percevoir simultanément sa division ou son morcellement.
l'allure plissée est ce qui unifie la forme de l'extension du Musée Juif de Berlin (ci-dessus),
mais ces plis sont très différents d'un endroit à l'autre, ce qui divise la forme en :
-1- une extrémité aux plis alternés très resserrés,
-2- un centre aux plis qui tournent continuellement dans le même sens, et
-3- une extrémité dont les plis sont à nouveau alternés mais beaucoup plus amples qu'à l'extrémité -1-
 

L'exemple caractéristique d'architecture à garder à l'esprit pour se souvenir du paradoxe un / multiple :
Tschumi le Parc de la Villette à Paris, qui combine la fragmentation répétitive et l'unification de style d'un programme pourtant vaste et dispersé
 

Comment ce paradoxe un / multiple se manifeste dans la musique :
Effet analytique (qui s'entend par l'évolution au fur et à mesure que le temps passe) :
Petites évolutions ou instabilités à l'intérieur de la fluctuation d'ensemble du fil musical, ou de façon générale petits effets incorporés dans un effet qui apparaît au fil du temps comme de structure similaire mais fonctionnant sur un plus grand rythme.

Effet synthétique (qui s'entend à chaque instant) :
Le fil musical apparaît unifié, tout en apparaissant simultanément fait de plusieurs éléments qui se mélangent, tels que plusieurs voix ou plusieurs thèmes musicaux qui s'entrelacent dans une texture uniforme.
Ou bien (croquis ci-dessous) l'unité conservée d'une syllabe prononcée dans un chant se confronte à la multiplicité des virevoltes accomplies sans la quitter : "une" la voyelle, "multiples" les virevoltes faites en la prononçant.

 

Pour davantage de développements sur ce fonctionnement paradoxal qui produit simultanément l'unité complète et la fragmentation totale :
- dans les phénomènes physiques et dans l'évolution de la société occidentale
- en architecture (second style de l'art contemporain - 2ème moitié du XXème siècle) :
        Tschumi - le Parc de la Villette à Paris
        Libeskind - le Musée juif à Berlin
- en musique :
        dans le style de Notre-Dame (fin du XIIème siècle)
 
Pour des exemples d'architectures où ce paradoxe se combine avec d'autres :
avec 3 autres paradoxes associés à égalité, relativement mélangés sur les mêmes formes (fonctionnement en classement) :
- dans l'art gothique rayonnant (milieu et fin du 13ème siècle), il est le 2ème paradoxe analysé

dernière mise à jour de cette fiche : 8 octobre 2007

 

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